Qu'elle est lourde la charge de la représentation d'une si importante figure de l'Histoire, et surtout, de l'idée que le peuple s'en fait : cette raideur, cette voix, cette grandiloquence un peu désuète, cette représentation toute personnelle de la France.


Au point de se demander si Lambert Wilson avait la Gaulle de l'emploi.


Ce qui est vendu comme un biopic se concentre finalement sur une grosse quinzaine de jours. Celle qui a vu la France tomber sous les coups de bottes. Celle qui a vu la république s'éteindre. Celle qui a vu une vieille gloire rendre les armes pour mieux prendre le pouvoir.


Gabriel Le Bomin donne l'occasion au spectateur d'assister, médusé, par les yeux du Grand Charles, à la grande Histoire qui bascule. Et ceux de sa famille, pour être sur à peu près tous les fronts.


Sur celui de l'exode des civils, de la mort au bout de la route, de l'incertitude et de l'ignorance de la destination finale de l'exil. Sur celui de la diplomatie, à cheval des deux côtés de la Manche, envisageant les scénarios les plus improbables, du dominion anglais à la poursuite du conflit via l'Afrique du Nord. Celui de l'infiltration, en coulisses, de l'idée de la fin négociée du conflit et de ses sombres desseins.


Rien de bien neuf en somme, mais un rappel de la mollesse, de l'inconséquence et de l'absence du plus élémentaire sens politique d'un président qui n'aurait jamais dû l'être, du côté rabelaisien et franc de Winston Churchill, de l'intraitable et opportuniste Pétain, donnant à une belle brochette d'acteurs l'occasion de s'illustrer.


Lambert Wilson, lui, livre quelque chose d'autre. Une prestation qui semble a priori comme un peu étrangère, en tout cas loin des clichés les plus immédiats noyant la figure De Gaulle. Tout en réduisant la distance avec le général, en visitant en quelques flashbacks, ou en s'intéressant à la relation du couple De Gaulle à sa dernière fille qui souffrait de ce que l'on qualifiait, en ces temps-là, de mongolisme.


La figure est immédiatement plus abordable, moins écrasante, moins politique. Tout d'abord impuissant à infléchir le cours de la guerre, De Gaulle se trouve trahi, dégradé, condamné, refusant de chanter le tube de l'été 1940 ressemblant étrangement à un ♪ J'aurais voulu être défaitiste ! ♫ à un vieux coach défraîchi...


Et de participer, à contrecoeur, à The Voice dans un studio londonien, où la résistance sera portée, la flamme vacillante de la France préservée. Lambert Wilson évite la caricature, livre une prestation sobre et mesurée, tandis que la réalisation de Gabriel Le Bomin, elle, se sort des lourdeurs de l'illustration empesée des salons, des conseils restreints, de la chose politique et du conflit, dans un classicisme bienvenu.


De Gaulle met à notre portée son personnage, refusant obstinément de le sacraliser. Ceux qui voulaient y voir un grand film historique en seront pour leurs frais, car l'oeuvre est bien plus portée sur le côté humain de cette période charnière de la vie du général. Si l'on pourra en perdre en rigueur, le coeur, lui, parlera.


Behind_the_Mask, Charles attend.

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le 4 mars 2020

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