On n'est pas là pour se marrer. "De bon matin" balance à la gueule la dureté du monde du travail actuel, comment un cadre dévoué et efficace peut se retrouver du jour au lendemain au placard, méprisé, poussé sans relâche et sournoisement vers la sortie. Comment ce qui a été son moteur pendant des années, au mépris de sa vie familiale (en témoignent le dédain affiché de sa femme et de son fils) devient destructeur.
Comme Gilbert Melki dans "Très bien, merci", le personnage de Paul (Jean-Pierre Darroussin) semble s'éveiller d'un long sommeil qui avait fait taire une partie de son humanité. Comme pour Melki, ce réveil sera brutal et malheureusement pas à son avantage.
Jean-Marc Moutout commence par ménager ses effets. On suit Paul un matin dans sa routine : salle de bains, baiser à sa femme, petit déjeuner... mais rapidement, on se rend compte que quelque chose cloche. Que peut bien préparer Paul ? Qu'est-ce qui a bien pu le pousser à devenir aussi froid ?

A l'heure où France Telecom investit dans des climatisations pour éviter les défenestrations, Moutout choisit de donner voix au chapitre à ces bons petits soldats qui pendant des années ont marché au pas, faisant la fierté et la réussite de leur entreprise mais qui, du jour au lendemain, par le biais d'une décision arbitraire d'un génie du management (et ils sont nombreux), on met le soldat au placard. On invoque un objectif pas encore atteint, on retire des secteurs, on fait porter le chapeau de certains licenciements quant on n'en arrive pas à être clairement et simplement violent moralement (invitations à des réunions oubliées ou alors pas annulées, remise en question en public du travail, etc)...
On suit Paul s'enfoncer. Essayer de lutter, s'entêter mais s'enfoncer de plus en plus... Jusqu'à l'irréparable.

Taiseux comme à son habitude, Darroussin semble porter le poids du monde sur les épaules : entier, fidèle et généreux, il subit la machine qui l'écrase chaque jour un peu plus... La chronologie éclatée renforce cette impression de navigation à vue, entre homme plein d'espoir et victime impuissante et surtout incomprise. Ne pas travailler rend seul, le contraire est également possible.
NicoBax
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le 7 mars 2012

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