François Ozon est un réalisateur intelligent qui commence à bien connaître son métier. J’ai vu Dans la maison en avant-première, sans le moindre a priori et j’ai passé une soirée agréable de détente.


Ceci dit j’espérais mieux de ce film. Ozon s’est attaqué à un sujet en or, parce que oui, on a tous envie de savoir comment ça se passe chez les autres. En plus, la situation lui permet de montrer le créateur de fiction au travail. Programme très alléchant, potentiellement captivant.


Mais Ozon a dû composer avec un élément très délicat, l’adaptation d’un texte (pièce de théâtre espagnole) pour le cinéma. Là, il s’est heurté à un problème ardu qui ne relève pas de la trigonométrie mais du bon sens. On ne peut pas faire la même chose en littérature et au cinéma. L’utilisation de la voix off pouvait faire craindre le pire. Ozon s’en tire parfaitement en jouant sur la lecture par Luchini avec le déroulement simultané de l’action.


Son personnage principal est un élève de seconde au lycée Gustave Flaubert où son professeur de français est Germain (Fabrice Luchini). Germain est (évidemment !) affligé par la médiocrité des devoirs rendus par ses élèves. Mais son attention est attirée par la copie de Claude qui raconte son approche de la famille « Rapha » (prénom identique pour le père et le fils) qu’il qualifie de famille normale (Emmanuelle Seigner et Denis Ménochet)


Immédiatement, Germain (comme le spectateur) sent un ton légèrement ironique. Il interroge discrètement l’élève en question qui s’amuse à poursuivre son histoire dans le devoir suivant. Le jeu est effectivement bien lancé. Un jeu qui pourrait se cantonner entre le professeur et son élève. Mais l’élève ne se contente pas de jouer avec son professeur, puisque qu’il approche effectivement le jeune Rapha, s’en fait un ami en l’aidant en maths.


En réalité, c’est le réalisateur qui s’amuse avec son spectateur. Ozon ne s’en tire pas trop mal en retardant le moment de dévoiler les intentions réelles de son jeune aspirant écrivain qui réalise au fur et à mesure les possibilités qui s’offrent à lui. En effet, le jeune homme est séduisant et intelligent (comme Ozon) et il n’a pas trop de peine à mettre dans sa poche tous les membres de la famille normale. Mais, on n’est pas chez Pasolini lui fait remarquer son professeur. Effectivement, l’application du théorème expliquant comment tenir en haleine un public n’est pas toujours brillante, puisque (comme le fait à nouveau remarquer le professeur) l’apprenti écrivain à une certaine tendance à trouver des solutions du côté des ficelles usées des feuilletons télé.


Alors, Ozon s’amuse à montrer sa maîtrise des différentes possibilités cinématographiques en montrant des scènes qui ne sont qu’à l’état d’ébauche et en intégrant le personnage du professeur dans des scènes et dans sa narration. Car, Germain va apprendre à ses dépends que cette petite histoire bien gentille peut se retourner contre lui. Mais on n’est quand même pas dans La vague.


N’oublions pas de signaler quelques scènes de provocation typiques, avec les œuvres d’art présentées par Kristin Scott Thomas dans la galerie d’art moderne qu’elle tient, sous la houlette de deux sœurs jumelles gentiment caricaturales (petit rôle double pour Yolande Moreau).


Un film agréable. On se demande souvent où Ozon veut en venir, malgré une intrigue qui évolue constamment et qui utilise avec habileté les ressorts de la comédie. Ozon a sans doute le tort d’aborder beaucoup de thèmes sans les traiter à fond. Ainsi, le thème si intéressant de la curiosité vis-à-vis de ce qui se passe chez les autres. Curiosité fondamentale de tout amateur de fiction (cinéma, littérature, etc.) qu’il met encore en évidence au dernier plan qui rappelle furieusement la situation de Fenêtre sur cour. Mais pourquoi Claude est-il fasciné par cette « famille normale » ? Cette « famille normale » est tellement caricaturale qu’on peut se demander si Ozon ne se fiche pas un peu du spectateur. Il se contente de jouer avec les clichés quand Haneke met franchement mal à l’aise dans Funny games. Certes Ozon montre que l’expression « famille normale » n’a aucun sens. L’idée de normalité n’a de sens que par rapport à l’anormal. Claude a beau jeu de montrer comment il peut faire voler en éclats la jolie et insignifiante façade d’une « famille normale ». Mais on ne fait pas de bonnes histoires avec de bons sentiments. Le spectateur curieux reste sur sa faim. Si Ozon avait vraiment osé … cela aurait sans doute impliqué d’en dévoiler davantage sur le représentant du côté "anormal", soit Claude, le personnage auquel le spectateur a le plus de chance de s’identifier…

Electron
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le 9 oct. 2012

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