Dalva est une Lolita de 12 ans qui vit seule avec son père qu'elle appelle Jacques.

La toute première scène est violente et inconfortable. La police fait irruption dans la maison, isole Dalva qui hurle et se débat, emmène Jacques menotté. Dalva est immédiatement placée dans un foyer et n'accepte pas cette mesure incompréhensible. On tente de lui expliquer qu'un signalement des voisins a permis d'identifier que son père est coupable d'inceste. Dalva nie, assure qu'il ne lui a jamais fait de mal et qu'elle n'a jamais dit "non".

C'est terrible.

L'arrivée de Dalva au foyer ne passe pas inaperçue car elle est maquillée et vêtue comme une adulte. Elle ne se considère d'ailleurs elle-même pas comme une (petite) fille mais comme une femme et selon elle, son père l'aime pour la protéger des autres hommes qui s'y prendraient mal...

Dalva tente de s'échapper du centre, refuse de s'alimenter car elle n'a qu'une idée en tête : retrouver Jacques. Qui d'autre que lui peut l'aimer ? Sa rencontre avec son éducateur référent Jayden et Samia une ado rebelle placée comme elle suivant une mesure de protection vont peu à peu lui permettre de vivre sa vie à rebours, retrouver la vie, les jeux et les attitudes d'une petite fille de 12 ans.

Ce qui s'est passé entre Dalva et son père est très vite révélé mais évidemment rien n'est montré. Le "couple" père/fille ne sera rassemblé qu'à deux occasions donnant lieu à des scènes d'une rare intensité, dramatiques et formidablement interprétées. Le rôle de ce père prédateur, manipulateur et toxique est tenu par le merveilleux (et très courageux) Jean-Louis Couloc'h qui par la grâce d'une interprétation subtile parvient à rendre son personnage impardonnable, humain. En portant lourdement la honte sur ses épaules et son visage il parvient même à rendre cet homme touchant.

Ce à quoi on assiste est la reconstruction d'une petite fille sous emprise depuis l'âge de 5 ans qui n'a strictement aucune idée de ce qu'est la morale et qui pense ne pouvoir se faire aimer qu'en séduisant. Réapprendre à être une enfant plutôt qu'à apprendre à grandir c'est tout le processus inverse que doit vivre et subir Dalva en révolte permanente contre le système, le foyer, l'école, la justice, sa mère... tout un monde dont elle ne connaît rien et sont responsables de sa séparation d'avec son père. Car oui souvent les victimes aiment leurs prédateurs.

Les fortes émotions qui traversent le spectateur pendant le projection sont innombrables et sont le résultat du formidable travail de la réalisatrice qui évoque un fléau touchant l'enfance avec beaucoup de maîtrise et de délicatesse sans éluder les mots pour expliquer mais sans jamais tomber dans le misérabilisme ou le sordide. Le mots terribles inceste, pédophilie seront finalement prononcés. Elle s'appuie sur l'incarnation d'une petite fille extraordinaire, au minois irrésistible (de profil on dirait Romy Schneider) et au jeu profond.

La productrice présente à la fin d'une projection nous l'a assuré, tous les enfants ont été parfaitement encadrés par leurs parents et l'équipe du film, des psychologues aussi qui ont pu expliquer et répondre à leurs éventuelles questions. Bref : aucun enfant n'a été maltraité pendant le tournage de ce film est utile et nécessaire.

La merveilleuse Zelda Samson est une petite fille espiègle avec un solide projet d'avenir (être la première femme à aller sur Mars et obtenir le Prix Nobel sur son étude de la Matière Noire). Elle va très bien. Son incarnation bluffante nous secoue durablement et la réalisatrice dont c'est le premier film peut être fière du résultat.

Créée

le 22 mars 2023

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