Dès ses débuts, Polanski s'est révélé passé maître dans la peinture de la folie, des fêlures, féminines comme masculines, des situations qui dérapent. Comment s'étonner qu'il se soit laissé tenter par cette adaptation du roman éponyme de Delphine de Vigan ? Aux questionnements autour du thème de l'écriture, déjà abordés, mais différemment, dans "The Ghost Writer" (2010), s'adjoignent ici les motifs du double féminin, de la schizophrénie, de la persécution, du couple... Du sur-mesure, pour lui...


Étonnamment, toutefois, la magie n'opère pas totalement. Même si l'on perçoit vite le caractère vraisemblablement phantasmatique du personnage de "Elle" (Eva Green), on est cependant sensible au suspense installé et à ce duo féminin qui du charmant initial, vire de plus en plus à l'inquiétant voire à l'infernal... Toutefois, on peut broncher devant l'extrême passivité du personnage de l'auteure (Emmanuelle Seigner), tout comme devant la diction par moments très récitée de sa partenaire féminine (quelque adepte que l'on soit de sa plastique...), ou la prestation assez peu convaincante - à grand renfort de sourcils froncés - de Vincent Perez en journaliste littéraire célèbre... Comme si le grand Roman restait pour une fois un peu à la surface des choses, hésitait à plonger tout à fait... La faute au scénario co-écrit avec Olivier Assayas ? À la bande originale un peu trop illustrative, voire déflorante, d'Alexandre Desplat... ?


Il n'empêche : on garde à l'esprit des images de ce thriller psychologique aux teintes froides, du gris au bleu, exceptionnellement - et trompeusement - chaudes ; et de cet impressionnant duo féminin, auquel on aurait voulu pouvoir croire plus totalement, et qui fait entrer la magnétique Eva Green dans les rangs des grandes méchantes, d'autant plus redoutables qu'elles sont fascinantes, à l'image des mauvaises fées de Walt Disney ou de nombreuses héroïnes hitchockiennes...

AnneSchneider
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le 3 nov. 2017

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Anne Schneider

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