Critique de la séparation
7.3
Critique de la séparation

Court-métrage documentaire de Guy Debord (1961)

Critique de la séparation pourrait être le pendant plus ouvertement théorique de Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps, tourné deux ans plus tôt et plus nettement circonstancié. Comme, avec le situationnisme, la théorie devient vite sa propre pratique, et la pratique sa propre théorie, ce court-métrage aussi semble un genre d’essai déguisé en documentaire. (Mais peut-être la limite est-elle encore plus floue au cinéma qu’en littérature.)
Celle de ses caractéristiques que l’on retient le mieux – et cruellement, c’est la seule dont je me souvienne une semaine après avoir vu le film… (1) –, celle qui fournirait la substance d’un paragraphe de troisième partie de dissertation de philosophie de terminale (2) si on avait à dix-huit ans quinze ans de culture générale et artistique derrière soi, ce sont les sous-titres, délibérément privés de rapport apparent avec les images. Le texte écrit parasite une image et un commentaire lu déjà riches, façon de souligner combien une œuvre cinématographique est dense, et à quel point cette densité peut lui nuire.
En 1960 – probablement moins qu’en 2017 et plus qu’en 1900 – le réel est déjà saturé de signes, à l’interprétation forcément problématique. C’est, à mon sens, ce que Debord et sa bande tentent ici de souligner. Comme Hurlements en faveur de Sade et Sur le passage de quelques personnes…, cette Critique de la séparation (3) est donc aussi un film sur le cinéma, dans son rapport avec le réel.


(1) En vérité, il y a aussi des montages d’images d’archives, des vues de jeunes gens qui boivent et une femme-enfant, mais j’ai dû rejeter un œil au film pour m’en souvenir.


(2) Oui, voici un groupe nominal pourvu de cinq complément du nom imbriqués. C’est laid, c’est pénible à lire, mais si vous lisez cette critique, vous avez sans doute lu la Société du Spectacle, et si vous avez lu la Société du Spectacle, vous avez dû en voir des vertes et des pas mûres de ce côté-là.


(3) Mais de quelle séparation ? Répondre à cette question impliquerait beaucoup d’autres développements.

Alcofribas
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le 28 janv. 2017

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