(article précédemment publié sur PETTRI.com et Les Chroniques de Cliffhanger & Co)


Quand le film a été annoncé, il semblait que son pitch était un peu réactionnaire. Et pour cause, des parents WASP qui veulent empêcher leur filles de coucher durant leur prom night, cela semblait quelque peu conservateur. Seulement, c’était sans compter sur les têtes pensantes derrière cette comédie typique de l’ère post-Apatow : un postulat un poil racoleur, pour ensuite en tirer des leçons plus libérales. Et ce n’est pas un hasard si on retrouve plusieurs noms associés à celui du magnat de la comédie hollywoodienne actuelle : tout d’abord en tête de casting, on retrouve les noms de Leslie Mann, femme du réalisateur-producteur, et de John Cena, qu’il a révélé en bête comique dans Trainwreck. Aussi, parmi les producteurs, on peut compter sur le duo Seth Rogen/Evan Goldberg, évidemment révélés par Apatow, mais qui ont depuis œuvré sur des comédies – mais pas que – aux concepts novateurs : This is the End, Sausage Party, Preacher pour ne citer que quelques titres. Ils sont aussi à l’origine des scénarios de films mettant en scène des ados tels que Superbad ou Neighbors. Mais leur attribuer tout le mérite de ce film serait ignorer le travail de sa réalisatrice, qui signe ici son premier film après avoir écrit les trois Pitch Perfect. Et là est peut être la réelle différence de Contrôle Parental.


Une réalisatrice. Au féminin. Du coup, cette comédie adopte un point de vue résolument positif et évite constamment les affres de son pitch au premier abord bancal. Mais c’est en réalité davantage une histoire de deux amitiés à trois têtes, plus qu’une diatribe où le discours serait « empêchons nos filles de coucher ». En effet, dès les premiers secondes du film, on assiste à la rencontre des trois jeunes femmes au centre du récit, alors enfants, devant leur parents : deux pères et une mère célibataire. Ce sont eux qui sont traités comme des purs sujets de comédie, de moquerie presque, alors que les trois adolescentes sont quant à elles de véritables êtres sensibles actuels, attachants et raisonnables. Le trio de parents fous furieux formé de Leslie Mann, John Cena et Ike Barinholtz est en effet le centre comique de ce film par ailleurs bien rythmé et joliment mis en lumière par Russ T. Alsobrook, un habitué de belles comédies (Superbad, New Girl, Forgetting Sarah Marshall). Les trois comédiens s’en donnent à cœur joie : c’est toujours un plaisir de retrouver Mann en maman dépassée, et les deux hommes sont enfin au premier plan, véritables équilibristes de timing et de slapstick.


Kay Cannon, la réalisatrice, auparavant scénariste pour 30 Rock, New Girl, Girlboss et donc des trois Pitch Perfect, est une spécialiste d’une certaine comédie futée et centrée sur les femmes, et Blockers ne fait pas exception à la règle. C’est une comédie drôle et maligne, qui arrive au meilleur moment, étant donné la conversation culturelle à laquelle on assiste depuis le mouvement #MeToo (et consorts). Et si on réfléchit bien, Blockers est aussi une réactualisation de Superbad, au féminin, et pensée par des gens qui ont vieillit, d’où la présence de ces parents craintifs. Il est d’ailleurs très bien évoqué dans le film la différence de point de vue concernant filles et garçons à propos de la perte de la virginité : c’est normal et quasi héroïque pour un garçon (voir tous les teen-movies traitant du sujet) mais encore un acte dévalorisant pour les filles – et le film a l’intelligence de corriger le tir en disant que le consentement est la mère de toute relation sexuelle saine, quel que soit le sexe et la sexualité.


In fine, la force de cette comédie réside dans le beau portrait des anxiétés parentales, dans son coming-of-age bien mené et dans ces gags souvent outranciers mais qui font très souvent mouche. Et on peut alors la rapprocher d’un autre film produit par Rogen/Goldberg : Neighbors 2. Dans cette suite, on s’éloignait des frat boys de Zac Efron pour redonner aux jeunes femmes le pouvoir qu’elles n’ont jamais eu dans le fameux Greek system (cette arborescence de fraternités et sororités où les premiers ont des avantages que les secondes n’ont pas). On remarque alors que la comédie n’en a pas fini d’être le meilleur témoin du monde contemporain.

JobanThe1st
7
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le 3 juil. 2019

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Jofrey La Rosa

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