Le pitch : Anna veut consulter un psy. Mais elle se trompe de porte et sonne à celle de William, un conseiller fiscal. Bien qu’ayant vite réalisé sa méprise, elle continue à le consulter COMME SI c’était un psy.


La force de Confidences trop intimes est là : c’est un film qui n’a pas de ton décrivant une relation qui n’a pas de nom. Les rendez-vous d’Anna et de William ne sont ni amicaux, ni amoureux, ni antagonistes, ni concupiscents, ni sexuels, mais un peu tout ça, tour à tour, selon les moments et sans l’être tout à fait. Ils n’ont qu’une raison de les poursuivre : ils les ont commencés.


C’est un film dont le sujet interroge directement la nature de la relation thérapeutique. Sa part de convention. Ses jeux de transfert et de contre-transfert. Ses jeux de pouvoir. Ses jeux de rituels. Sa part de jeu. Tout ça, c’est très fort, et c’est traité en partie. On suit le cours sinueux et incertain de la relation sans nom, on se prend à son caractère addictif, bien rendu par l'usage judicieux d’une BO vaguement hypnotique noyant par vagues le monde extérieur.


On voit bien aussi que si la relation est ritualisée, elle n’est pas devenue pour autant un rite. Il n’y a pas piétinement. William, conseiller fiscal, voulait être explorateur. Il aura découvert quelque chose de la nature humaine. Anna avait un besoin urgent de parler à un psy (et ça c’est très bien vu, le sentiment d’urgence n’est pas rare chez les souffrants novices qui décident brusquement de se prendre en main). Elle aura frappé, et on lui aura ouvert : c’est ça, le secret de son renouveau.


C’est déjà pas mal. Mais impossible de dire si les mots seuls suffisent ou non à fabriquer une réalité spécifique où il devient possible de quitter ses ornières et d’évoluer, indépendamment de la légitimité du psy, indépendamment de qui tient le rôle du patient et qui tient le rôle du psy. Alors qu’au fond là est bel et bien la question, on est sans arrêt distrait parce qu’ « il faut qu’il se passe quelque chose ». D’aucuns ont trouvé le scénario trop verbeux, moi j’ai trouvé qu’il ne l’était pas assez.


C’est un film qui n’a pas de ton décrivant une relation qui n’a pas de nom. Il aurait pu être un film plein de neutralité bienveillante sur la nature de la relation thérapeutique. Hélas, son réalisateur ne l’a pas osé.


Pourquoi le sont-elles « trop », ces confidences intimes ? C’est comme si Patrice Leconte avait reculé devant son propre sujet. Explorateur, il l’est moins que ses personnages : à force d’interférences humoristiques et de matérialisations intempestives (de la femme de William, du mari d’Anna, voire du « vrai psy », utilisé non comme élément de réponse mais comme référence pour un William paumé), il retrouve les chemins bien balisés de la remise en cause individuelle (de soi, de sa vie, de ses proches). La relation sans nom se trouve de ce fait reléguée au second plan et sert de prétexte, allez, si on veut de révélateur, alors qu’il aurait été tellement plus intéressant de l’appréhender comme une fin en soi.


C’est regrettable. C’est frustrant. Quoi, c’était tout ce que voulait Leconte ? L’anecdote, pas le parcours ? Juste une « porte entr’ouverte sur le mystère féminin », comme il le fait dire, assez lamentablement, par son « vrai psy » ? Pss.


NB - Luchini ne cabotine pas. Il n’a jamais cabotiné. Il est comme Bonnaire. C’est un grand acteur.

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le 29 août 2017

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