"Compartiment tueurs" est un film à l'originalité double, si on le circonscrit au cadre de la filmographie de son réalisateur ou si on le considère seulement comme un film policier lambda des années 60.


Le second film de Costa-Gavras, "Un homme de trop", m'avait déjà surpris tant on associe aujourd'hui le nom de ce réalisateur à des brûlots politiques pas toujours très réussis, mais dont le caractère frontal de la démarche est souvent honnêtement revendiqué. Aucune considération de ce genre dans le cas présent. On pense s'embarquer dans un film du type "Le Crime de l'Orient Express", avec une séquence introductive exposant un meurtre dans le compartiment d'un train, mais l'action en sortira très rapidement.


Étonnant mélange des genres constant, aussi, avec une enquête policière très rigoureuse dans sa dramaturgie et parsemée d'éclats d'humour divers, souvent cinglant dans les dialogues (Charles Denner s'en donne à cœur joie pour insulter la flicaille). Comme un film noir dégénéré, réinterprété à la sauce française, dont le sérieux de la trame principale serait sans cesse altéré par des motifs différents, entre l'ambiance globalement loufoque par ici et cette musique parfaitement décalée par là. La mise en scène axe très clairement son argumentaire sur un rythme tonique, avec une caméra souvent dynamique (la course-poursuite finale, notamment, même si elle arrive après une résolution de l'affaire un peu trop hâtivement expédiée) et des rebondissements à la pelle. On change sans arrêt de lieu, d'action, de personnage. Beaucoup d'expérimentations aussi, notamment en lien avec les choix de l'environnement sonore, mais aussi cette façon de présenter le lieu du crime, exigu mais densément peuplé, ces chuchotements tantôt menaçants (des méchants discutent de leur plan), tantôt introspectifs (Michel Piccoli et sa conscience), etc.


Il y a un vrai équilibre (certes instable) qui se crée entre le sérieux de l'enquête et le fouillis de l'ambiance, dans un mouvement permanent. Et la pléthore d'acteurs et actrices secondaires que compte le film semble participer à ce tourbillon d'action avec un certain plaisir, largement communicatif. C'est quelque part le côté fougueux des coups d'essai, sans que les conséquences de tels premiers jets en termes de maladresse ne se fassent trop ressentir.

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le 9 avr. 2017

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Morrinson

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