Névrotique, Hypnotique, Cauchemardesque, la sainte Trinité.
Evénement attendu pour la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, les seules informations communiquées étaient celles du mystérieux synopsis et de la durée du tournage de quinze jours.


Chers lecteurs non avertis du cinéma de Gaspar Noé, une nota bene est de rigueur avant de vous plongez dans cette expérience fantasmagorique tout droit sortie de l’enfer.
Pour les connaisseurs, vous savez d’emblée dans quoi vous vous fourrez lorsque vous empruntez les chemins sinueux de l’inconscient des personnages de Noé… Le patriarche nous capture tout droit dans l’inconscient collectif d’une meute d’animaux sauvages.


Pourtant, le début du film ne laisse pas présager cette descente dans la damnation éternelle. Nous faisons face à des hommes et des femmes qui dévoilent leur personnalité face à la caméra, dans un entretien filmé où chacun d’eux se présente. Nous voyons passer l’un après l’autre les protagonistes venus d’horizons différents, se confiant sur leurs envies, leurs craintes, leur expériences et leurs vices…


Nous pouvons facilement nous identifier à eux, ils sont notre génération, le symbole de la jeunesse actuelle. Ils ont l’avenir devant eux et ont tous l’ambition de réussir en tant que danseur. La démarche interrogative reste cependant progressive parcourant au fil des confessions les zones d’ombre de chacun. Le mystère reste entier et nous pouvons ressentir pour eux, un attachement, une sincérité véritable.


Mais la suite reste à venir, ipso facto on se retrouve en tant qu’observateur fortuit de leur chorégraphie effrénée. La caméra nous envoie directement dans le spectacle, les mouvements de celle-ci rappelant la technique utilisée dans Enter The Void. Nous sommes plongés dans une nausée de perceptions corporelles, admiratif de la sensualité des acteurs.


Pour le moment, tout va bien dans le meilleur des mondes. Les acteurs voguent à leurs occupations festives, une détente estimée nécessaire avant le grand départ aux Etats-Unis. La chorégraphe a préparé une délectante sangria annonçant une soirée des plus mouvementées. Un verre, puis un second et un troisième, le saladier de sangria se retrouve totalement vidé…


Out of control. Déclenchement de l’horreur. Nous découvrons que la sangria goulûment avalée par les noctambules n’est pas irréprochable de pureté. L’un après l’autre, les acteurs tombent dans un trauma, l’état de ceux qui se sont risqués à prendre des sels de bain à usage récréatif. Les zombies titubent, perdent l’esprit et s’en prennent chacun aux autres. La métamorphose se développe comme une contagion, ne permettant pratiquement plus d’apercevoir ce qui sépare l’homme de l’animal. La raison n’est plus le moteur de l’action. A l’instar du personnage de Kafka, la métamorphose commence aux racines même du fondement de l’humanité.


C’est la guerre de tous contre tous, l’antagonisme dans la communauté. Les plans séquences se succèdent horrifiquement, laissant les acteurs dans une solitude malsaine, empreints à leurs tourments. La bestialité les possède, aucune délivrance ne semble être possible. La salle de répétition de jadis se transforme en purgatoire où tout les crimes sont permis. On cherche le coupable parmi les autres, la méfiance se mélange dans le non-sens de leur esprit. « L’enfer c’est les autres » mais ils sont dans le purgatoire et ne peuvent connaître l'échappatoire que dans l’acceptation d’eux-mêmes dans la drogue, la débauche sexuelle, la violence et l’inceste. Gaspar Noé nous dévoile cette part de l’humanité que l’on ne veut pas voir. Dans une déferlante psychédélique, il joue un coup de maître en plongeant le spectateur dans une expérience insoutenable mais hypnotique. On se sent coupable d'aimer mais on aime se prendre au jeu de l'attraction / répulsion dirigé subrepticement par Noé.
Sous la lumière blanche du jour, nous voyons dans une dernière scène les conséquences de la soirée : la réalité rattrape le trip, les fêtards ne sont pas encore éveillés, inconscients de ce qui s’est passé… La même impression nous traverse lorsque le film se termine, on ne sait toujours pas ce qu'on a regardé, on reste pantois dans l'émotion.
Après avoir vu le film, on a bien envie de correspondre au modèle traditionnel, se ranger, faire des gosses, avoir un chien et se convertir. Amen.

Maryne_Despres
7
Écrit par

Créée

le 4 oct. 2018

Critique lue 211 fois

2 j'aime

Maryne Dsp

Écrit par

Critique lue 211 fois

2

D'autres avis sur Climax

Climax
Velvetman
7

La nuit des morts vivants

Gaspar Noé est un cinéaste à part dans la sphère cinématographique hexagonale. Son style, clivant produit soit une admiration ou un rejet total, en fonction de la perception même du spectateur qui se...

le 18 sept. 2018

156 j'aime

7

Climax
takeshi29
10

Fais pas ch... si tu veux lire une vraie critique, reviens en septembre

Quoi de plus logique que de clôturer cette journée ciné du 22 juin 2018, débutée en compagnie de Andrei Zviaguintsev puis poursuivie à côté d'Abel Ferrara à deux reprises, avec une petite...

le 18 juil. 2018

107 j'aime

30

Climax
Moizi
9

Une critique française et fière de l'être

Séance unique en Guyane pour ce film, je ne savais rien, je n'avais vu aucune image, je ne suis même pas sûr d'avoir vu l'affiche en grand, je savais juste que c'était le dernier Gaspard Noé et que...

le 3 oct. 2018

81 j'aime

4

Du même critique

Climax
Maryne_Despres
7

J'ai rendu l'âme

Névrotique, Hypnotique, Cauchemardesque, la sainte Trinité. Evénement attendu pour la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, les seules informations communiquées étaient celles du mystérieux synopsis...

le 4 oct. 2018

2 j'aime