Avec une filmographie aussi éclectique, c'est peu dire qu'Alex Garland est un auteur insaisissable. C'est pourtant ce qui lui permet de systématiquement surprendre, et de s'imposer à tout le moins comme une voix bien singulière au sein du paysage cinématographique contemporain.
Taxé de lâchement apolitique par certains, son dernier né n'a pourtant pas la prétention de l'être et son intérêt se trouve ailleurs. Critique frontale, à défaut d'être d'une grande finesse (mais une fois encore, en a-t-il l'intention ?), du sensationnalisme journalistique et de la captation effrénée du "perfect shot", Civil War se présente avant toute chose comme une leçon de mise en scène.
Le cinéaste propose une immersion viscérale au sein du chaos urbain qui n'est pas sans rappeler Black Hawk Dawn, tout en y greffant perpétuellement des inserts subliminaux et brutaux sous forme de clichés photographiques pris dans l'instant.
Ces surgissements au sein du flux "objectif" des images placent le spectateur dans la peau de ces êtres apparemment dépourvus de conscience morale, ce qui permet l'exploit d'intégrer la réflexion sur la pulsion scopique et voyeuriste au sein même d'un dispositif d'essence sensorielle (le travail sur le son est à cet égard d'une précision démentielle, dans la droite lignée d'un Saving Private Ryan).
Le seul élément qui empêche in fine Civil War de prétendre au statut de tout grand film se trouverait davantage du côté de la caractérisation, les itinéraires croisés et contraires des deux personnages féminins du film apparaissant comme assez sommaires et prévisibles. Inutile de bouder son plaisir pour autant devant cette belle et impactante proposition de cinéma.