J'étais pas enchanté à l'idée de voir ce film mais il faut aussi parfois aller à l'encontre de ses a priori, pour les vaincre, pour aussi se remettre en question.


Si le premier plan m'a profondément déplu (un plan séquence dont la longueur ne se justifie pas pleinement), je fus ravi des 40 minutes qui ont suivi : on suit cet infirmier qui prodigue des soins à des malades, s'impliquant énormément, leur volant un peu de leur vie en échange pour lui s'inventer une femme ou un frère. Il ne se passe pas grand chose mais le concept formel épouse parfaitement cette narration épurée : il n'en fallait pas plus. Le problème c'est que l'auteur en a fait plus. Beaucoup plus. Je comprends en même temps : il fallait bien raconter quelque chose, il fallait un drame, une perturbation à cette routine. Malheureusement, les divers éléments sont amenés tardivement et avec les gros sabots : les explications sur le fils (déjà les explications sur la première patiente, si je veux être pointilleux) et la plainte sont d'une lourdeur misérabiliste peu appréciable, surtout que rtien n'est vraiment exploité. Le reprise de contact avec la famille manque également d'approfondissement : c'est facile et sans grand intérêt. Sur la fin, l'auteur tente de renouer avec cette routine mais c'est parasité par le sujet du film, enfin dévoilé et très mal exploité, si mal exploité que le message est tout sauf convaincant. Enfin, arrive le plan final, sans doute le pire de tous et en même temps le plus amusant. Amusant parce que ce qu'il s'y passe est totalement inattendu et que c'est une manière bien lâche de terminer un récit. Pire pour les mêmes raisons en fait !


La mise en scène est moins dérangeante que prévu. J'avais lu qu'il n'y avait pas beaucoup de mouvements de caméra et que chaque plan durait en moyenne une minute (autant de plans que de minutes dans le film), un procédé pictural qui ne me botte pas particulièrement ; c'est déjà arrivé que cela me plaise, mais dans un registre moins social et plus métaphysique (la métaphysique appelle souvent à la contemplation). Finalement, ça passe bien, car hormis quelques plans, il se passe toujours quelque chose : les personnages parlent ou bougent. Il ne s'agit donc pas de voir quelqu'un ne rien faire ou un couloir vide, les plans racontent quelque chose. Et l'auteur parvient à rythmer son film. Et comme écrit plus haut, cette manière de découper l'action et de la monter correspond avec les ambitions narratives, du moins dans un premier temps ; ce n'est que lorsque l'auteur décide d'enrichir son propos que le style fait défaut (ça devient alors trop lent et trop mou puisqu'on a envie que l'auteur développe son sujet). Les acteurs font du bon boulot : Tim Roth parvient à s'effacer complètement et à devenir cet infirmier : les gestes, il semble les avoir acquis, il les répète de manière routinière. Les acteurs interprétant les patients sont également doués.


Bref, Chronic n'est pas aussi pénible à regarder que ce que j'avais pensé, j'ai même pris beaucoup de plaisir pendant un moment ; hélas, l'auteur en fait trop ou pas assez et finit par perdre son spectateur dans un ennui poli. Dommage.

Fatpooper
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le 26 mai 2017

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Fatpooper

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