Chillerama
6.1
Chillerama

Film DTV (direct-to-video) de Joe Lynch, Adam Rifkin, Tim Sullivan et Adam Green (I) (2011)

Méprisant et Détestable Hommage Au Cinéma Bis

Les bonnes intentions ne font pas toujours les bons films et Chillerama en est une parfaite et bien triste illustration. Lorsque une poignée de réalisateurs de films d'horreur nouvelle génération décident de célébrer le cinéma d'exploitation des drive-in, le plaisir du partage et l'expérience collective du cinéma sur grand écran, les série B et Z du cinéma grindhouse, le cinoche populaire, les films undrerground et mal élevés qui font la nique au grand Hollywood comment ne pas être immédiatement séduit par un tel projet ? Malheureusement Chillerama choisit aussi l'option de la parodie systématique, du grotesque et de la provocation facile, de l'humour gras et de la dérision pour rendre hommage à tout un pan du cinéma qui méritait sans doute d'être célébrer avec plus de respect, de tendresse et même de culture que se retrouver traité par le biais d'adolescents attardés ricanant de leurs flatulences.


Chillerama raconte donc la dernière soirée d'un drive-in qui projette le temps d'une soirée exceptionnelle plusieurs longs métrages de genre. Alors que les films se succèdent sur l'écran une étrange contamination gagne les spectateurs à cause d'une substance étrange mélangée au popcorn.


L'introduction du film montre un homme dans un cimetière profanant la tombe de ce que l'on imagine être sa femme décédée. Tourné en noir et blanc dans une ambiance brumeuse, on pense alors assister à un hommage à l'épouvante gothique et aux grands classiques Universal jusqu'au moment ou le personnage se déboutonne en espérant pouvoir s'offrir une fellation sur la tête de la défunte. La femme qui se réveille alors et lui arrache les couilles d'un coup de dents faisant gicler un sang bleu de son entre jambe. Dès les premières minutes de Chillerama le ton est donc donné avec des univers référentiels utilisés n'importe comment pour y glisser un humour bas du front qui vise systématiquement le slip et un coté trash d'adolescents attardés.


Le premier segment intitulé Wadzilla est réalisé par Adam Rifkin le réalisateur peu prolifique et peu passionnant de A toute allure et Homo erectus. Wadzilla raconte l'histoire d'un homme qui a la suite d'un traitement expérimental visant à rendre ses spermatozoïdes plus vaillants va expulser de son sexe un monstre qui ne va cesser de grandir jusqu'à envahir la ville. Le film tente donc de rendre hommage aux grands films de science fiction des années 50 avec ses invasions de monstres géants et le sketch lorgne aussi de toute évidence vers les kaiju-ega comme Godzilla. Encore une fois il faudra viser le slip pour trouver l'origine du monstre et ce spermatozoïde géant ne me semble pas être la manière la plus élégante de célébrer la mémoire de ce pauvre Inoshiro Honda. Une fois passé ses considérations de cinéphage profondément respectueux du bis, le sketch respecte assez globalement l'esprit des films parodiés avec ses scientifiques en blouses blanches, ses militaires obtus et ses habitants fuyant en criant tout en agitant les bras. On regrettera juste l'utilisation volontairement foireuse d'effets spéciaux numériques, car si les films de science fiction des années 50/60 avaient parfois des effets un peu ringards ils possédaient une certaine authenticité due à leur époque. Concernant Wadzilla on a juste la sensation de voir une production Asylum torché avec les pieds et quitte à jouer la carte de l'hommage Adam Rifkin aurait certainement gagné à utiliser une forme plus traditionnelle et même ringarde d'effets spéciaux. Là c'est juste moche et mal foutu sans avoir la patine d'une quelconque poésie nostalgique. On sauvera aussi les participations de Ray Wise et Eric Roberts car pour le reste ce segment qui se termine sous une averse de sperme est bien loin d'être convaincant.


Le second sketch intitulé I was a teenage Werebear est l'œuvre de Tim Sullivan le réalisateur du sympathique 2001 Maniacs et de sa bien moins sympathique suite. Ce segment parodie une nouvelle fois bien plus qu'il ne rend hommage les beach movies des années soixante avec leurs aspects très gay friendly. On suit donc l'histoire d'un jeune garçon se cherchant sexuellement qui après avoir été mordu au cul par un délinquant en blouson de cuir se transforme en gay tendance ours avec barbe, SM , chaines et cuir. A priori assez malin dans son concept le film de Tim Sullivan sombre lui aussi assez vite dans l'humour potache qui vise l'entre jambe et le n'importe quoi sous couvert d'hommage à un sous genre certes bourré de défauts mais souvent bien plus sincère qu'on pouvait le croire. Une nouvelle fois servi par des effets spéciaux volontairement kitchs mais cette fois ci bricolés de façon traditionnels, agrémenté de passages musicaux bien trop insipides et interprétés tout en excès par des comédiens totalement en roue libre ce I Was a teenage Werebear ne convainc guère plus que Wadzilla. Il suffit même de se remettre en mémoire l'excellent Psycho beach party de Robert Lee king pour comprendre et mesurer le fossé qui sépare l'intelligence d'une parodie référentielle sincère et un court métrage qui tient plus du gag opportuniste que de l'hommage vraiment maitrisé.


Après tout ça, le segment de Adam Green intitulé The diary of Anne Frankenstein fait plutôt plaisir à voir. Il faut dire que le réalisateur de The butcher et de l'excellent Frozen oriente plus son film vers la parodie tendance ZAZ et Mel Brooks que vers l'humour régressif qui sent le vieux slip à la Friedberg et Seltzer. Le sketch raconte comment Hitler après avoir récupéré l'œuvre écrite de Frankenstein tente de créer un monstre guerrier avec des morceaux de cadavres juifs. L'humour est cette fois ci un poil plus subtil et surtout il se concentre sur la mécanique du cinéma bien plus que sur l'entre jambe des personnages. Même si l'on échappe pas à une Eva Braun totalement nymphomane les gags se concentrent essentiellement sur les ficelles un peu désuètes de ses films dans lesquels les décors, les cascadeurs et les mannequins en mousse sont un peu trop voyants. On s'amuse donc enfin un peu devant le cabotinage d'un Joel David Moore (The ButcherAvatar - Dodgeball) absolument déchainé en Hitler et la révolte de cette créature improbable incarné par l'immense *Kane Hodde*r. Sans être extraordinaire T**he Diary of Anne Frankenstein** remporte pourtant haut la main le titre de meilleur moment du film; en même temps vu le niveau du reste il en fallait peu.


Car Chillerama replonge vite dans ses pires travers avec une sorte de fausse bande annonce intitulée Défécation (tout un programme) qui enchaine sans sourciller les pires gags scatologiques possibles sous couvert d'humour trash. A cet instant Chillerama touche sans doute le fond du fond de la cuvette et associe toute une sous culture cinématographique qui mérite infiniment plus de respect à une simple succession d'étrons jetés à la gueule du public. Le film se termine par la contagion des spectateurs du drive-in par un mystérieux virus les transformants en zombies libidineux et avide de sexe. Faut il préciser que le virus provient de l'entre jambe d'un personnage ? On a donc droit à une succession de morts vivants qui forniquent avec des cadavres et des morceaux de corps humains le tout dans des gerbes de sang et de liquide bleu évoquant du sperme. Une nouvelle fois c'est la provocation un peu gratuite et l'humour bien gras qui l'emporte sur toute tentative de vraiment jouer la carte de l'horreur premier degré ou l'hommage au second. Le patron du drive in va alors sortir sa grosse pétoire et flinguer du zombie en alignant des dialogues de films comme autant de citations un peu veines. Car c'est bien joli de citer L'arme fatale, Die Hard, L'exorciste, Terminator, E.T. ou Les Goonies mais c'est quoi le foutu rapport avec le cinéma d'exploitation ? C'est finalement un petit peu ça Chillerama; citer tout et n'importe quoi et surtout n'importe comment en espérant que le gros gloubiboulga référentiel bien bordélique et gras du slip semblera cool et drôle alors qu'il n'est pas loin d'être simplement l'expression pathétique d'adolescents qui chient sur tout un pan de cinéma plutôt que de le célébrer.


Même si c'est sans doute l'esprit Troma qui plane sur Chillerama, même si le cinéma d'exploitation a largement utilisé le sexe et la violence de façon gratuite, même si de nombreux films de cette époque aux charmes surannés peuvent désormais prêter à sourire; rien n'autorise vraiment de transformer les séries B et Z si chères à mon cœur en une farce aussi grossière et vulgaire. Les 4 réalisateurs visiblement très auto-satisfait s'offrent une dernière scène pour se vanter d'avoir réaliser un film en forme de gros doigt d'honneur à Hollywood, dommage qu'ils ne soient même pas conscient de n'être pas loin d'avoir adresser le même geste de mépris au cinéma qu'ils étaient pourtant censés célébrer ensemble.

freddyK
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le 10 déc. 2020

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