Cherry
6.3
Cherry

Film de Anthony Russo et Joe Russo (2021)

Voir le film

La note peut paraître sévère mais "Cherry" ne trouve véritablement sa raison d'être qu'à partir du moment où son héros connaît une descente aux enfers dans la drogue et les braquages en réponse à son expérience traumatisante de soldat. Le film ne semble exister que pour raconter cela et rien d'autre.


Auparavant, et ça recouvre la moitié du film (soit 1h10 !), les événements de la vie de Nico Walker -devenu Cherry- tels qu'ils nous sont ici rapportés d'après sa propre semi-autobiographie, peinent assez nettement à nous emporter dans la fresque qu'ils voudraient construire en s'assemblant. Certes, quelques jolies pointes d'émotion du côté de sa relation naissante avec celle qui deviendra son âme sœur donnent un peu de chaleur à l'ensemble mais, à côté de ça, "Cherry" s'étale en permanence autour de situations terriblement anecdotiques que son style tape-à-l'oeil et son ton faussement impertinent voudraient rendre d'une coolitude imparable.
La faute en revient principalement aux frères Russo : sans doute un brin vexés par les reproches de certains sur l'aspect terne et fonctionnelle de leurs mises en scène chez Marvel, les réalisateurs ont eu ici visiblement à cœur de prouver qu'ils étaient capables de mieux faire avec un projet plus personnel... quitte à sombrer souvent dans l'excès. En multipliant les artifices visuels qui n'ont absolument plus rien d'original depuis belle lurette dans ce type de récit biographique (que beaucoup ont déjà d'ailleurs chercher à dynamiter), le style des Russo apparaît finalement encore plus uniforme qu'auparavant, comme s'ils étaient incapables de trouver leur singularité de réalisateurs autrement qu'en accumulant ce qui a déjà été fait ailleurs. Et, en s'articulant, dans un premier temps, autour d'une simple histoire d'étudiant s'engageant dans l'armée à cause d'une peine de cœur, autant dire que tous ces effets de manche ne font que renforcer le côté très creux de la proposition où surnage un Tom Holland très convaincant, bien secondé par Ciara Bravo.


En fait, il faudra attendre que le héros subisse de plein fouet les ravages de la guerre pour qu'enfin "Cherry" gagne en intensité. Évidemment, si vous vous êtes renseignés un minimum en amont sur le contenu du film, la situation qui va conduire ce dernier à être englouti par son stress post-traumatique et les portes ouvertes dans lesquelles le film va s'enfiler pour dénoncer une énième fois l'abandon des soldats à leur triste sort ne vous étonneront guère mais il est indéniable que "Cherry" semble vouloir à ce moment passer à la vitesse supérieure, avec encore une fois l'implication solide de son acteur principal.
Cela se concrétisera réellement au détour d'une scène symboliquement très forte où l'amour de Cherry choisit de l'accompagner dans sa douleur en épousant d'elle-même sa condition. Dès lors, le film stoppera complètement de se disperser futilement et se concentrera avant tout sur la chute infernale du couple dans la drogue et la criminalité. Comme on l'a évoqué en préambule, toutes les routes plus ou moins utiles empruntés par "Cherry" n'auront existé que pour l'amener à ce moment-clé de son récit, où enfin l'ambiance désinvolte due désormais aux effets des paradis artificiels et la tragédie vécue par personnages prennent leur essor dans un tout pertinent. Sans toutefois révolutionner les ressorts de ce genre de virage dans la délinquance, le film se révélera bien plus captivant, entraîné par une belle ampleur dramatique que les Russo s'évertueront à mettre en valeur en délaissant le trop-plein de superficialité des débuts pour coller au plus près des états d'âme des personnages. "Cherry" nous laissera ainsi sur une conclusion classique mais où l'émotion l'aura définitivement emporté sur les artifices.


Si l'on s'arrêtait sur la seule bonne impression laissée par sa seconde moitié, on serait bien plus indulgent sur la note à attribuer à ce "Cherry" mais comment oublier le caractère si anecdotique de tout ce qui a précédé, et ce sur une durée équivalente ? Il n'en fallait sûrement pas autant (enfin, si longuement peu) pour nous conduire à la partie la plus passionnante de ce nouveau film des frères Russo où, une chose est sûre, l'interprétation de Tom Holland aura dominé la partition.

RedArrow
5
Écrit par

Créée

le 13 mars 2021

Critique lue 963 fois

15 j'aime

RedArrow

Écrit par

Critique lue 963 fois

15

D'autres avis sur Cherry

Cherry
BestNumber
8

L'Innocence Perdue

Titre faisant référence au titre québécois, qui pour une fois fonctionne un peu. Hop, petit message au début pour vous dire que je spoil un peu le film… Je vais commencer par exposer mon ressenti sur...

le 17 avr. 2021

13 j'aime

7

Cherry
EricDebarnot
6

Sortir - ou pas - du cinéma de super-héros ?

Dans le monde du cinéma, les Frères Russo sont dans cette situation unique d’être à la fois des géants (ayant même détrôné le King of the World James Cameron à la première place des films ayant fait...

le 15 mars 2021

13 j'aime

3

Cherry
Lordlyonor
6

“A colombe saoule, les cerises sont amères.”

Proverbe Français Par ou commencer et comment commencer. Cherry est un film assez étrange, qui nous propose un visionnage à la fois lourd et insignifiant dont la simple expérience devrait amplement...

le 11 avr. 2021

9 j'aime

8

Du même critique

Nightmare Alley
RedArrow
9

"Je suis né pour ça."

Les premières minutes que l'on passe à parcourir cette "Nightmare Alley" ont beau nous montrer explicitement la fuite d'un homme devant un passé qu'il a cherché à réduire en cendres, le personnage de...

le 19 janv. 2022

72 j'aime

16

Umbrella Academy
RedArrow
5

L'Académie des 7 (saisons 1 & 2)

SAISON 1 (5/10) Au bout de seulement deux épisodes, on y croyait, tous les feux étaient au vert pour qu'on tienne le "The Haunting of Hill House" de personnes dotés de super-pouvoirs avec "The...

le 18 févr. 2019

67 j'aime

10

Bird Box
RedArrow
6

Sans un regard

L'apocalypse, des créatures mystérieuses, une privation sensorielle, une héroïne enceinte prête à tout pour s'en sortir... Le rapprochement entre cette adaptation du roman de Josh Malerman et "Sans...

le 21 déc. 2018

66 j'aime

7