Chatroom est un film qui parle de la manipulation d'autrui sur internet, et qui représente de façon concrète des conversations sur un chat en disposant des acteurs dans une pièce réelle.
Le principe est sympa, et forcément, étant donné l'importance des communautés internet pour moi, ça avait de quoi me séduire. Il y a aussi le fait que ça pouvait me rappeler mes moments de floods voire limite de trolling. Plus généralement, qu'un film traite de la capacité de piéger facilement les gens sur le web comme on ne peut le faire ailleurs, je trouvais ça intéressant.

Le réalisateur fait simple : un personnage qui navigue parmi les chatrooms avant de faire son choix est symbolisé par ce même jeune homme qui longe un couloir dont chaque porte affiche un logo correspondant au thème d’un chat. Et on voit rapidement que l’acteur principal, Aaron Johnson, parcourt trois fois le même couloir.
Le décor des chatrooms est original, ça on ne peut le nier, mais parfois ça donne des résultats abominables. Une salle remplie de ballons en forme de têtes de lapinous ou de cœurs, par exemple.
Pour souligner le fait qu’on est dans un monde virtuel, on entend souvent de la musique électronique bien naze, quand ce n’est pas du foutu reggae.
Et la distinction entre le monde réel et celui virtuel, elle est simple : le réel est grisâtre, tandis que le virtuel est plus coloré, mais très souvent dans un mélange d’orange et de bleu plus dégueu que jamais.
Le premier élément qui choque dans Chatroom, c’est donc son esthétique, mais le reste n’est pas mieux.

Certes les acteurs sont censés jouer des personnes qui parlent sur un chat, où l’on ne parle pas comme on le fait AFK, mais les conversations ne ressemblent à rien de réaliste, et la façon dont on amène les sujets de conversation est vraiment mal foutue.
Bizarrement, la première question que quelqu’un a l’idée de lancer est "qui est-ce que tu détestes ?". Et soudain, l’un d’eux se moque de Grace Rollins. Qui ça ? En fait c’est une auteure fictive de livres éducatifs pour enfants. Et de suite, le personnage balance une vidéo en pâte à modeler censée se moquer des histoires de Rollins. C’est un peu troublant, étant donné qu’on vient juste d’introduire cette auteure qui n’existe pas, même si on comprend assez vite quelle tendance de l’auteure on cherche à critiquer.
Mais surtout, la claymation est vraiment sympa et très bien faite, ce qui est n’importe quoi étant donné que c’est censé être fait par un ado hater qui passe son temps sur internet.
Et il avait prévu qu’il aurait l’occasion de parler de Grace Rollins ?
La façon dont on passe d’un sujet à un autre est d’autant plus suspecte que tout se passe vite, très vite, trop vite.
Chatroom se veut dynamique, ce qui se traduit par des mouvements de caméra circulaires durant toute une séquence qui tapent vite sur les nerfs, et par le fait que les personnages ne tiennent pas en place. Au milieu d’un dialogue, Aaron Johnson fait le poirier, puis retombe, sans que ça ne semble anormal à quiconque.
Ce dynamisme rend aussi les dialogues irréalistes, les 5 ados dans la chatroom sortent des propos de gamins à une vitesse folle, et c’est amené par les acteurs de façon awkward, simplement parce que c’est écrit de façon awkward.
"Pour mes parents je suis une expérience", et autres conneries comme ça qui, sans qu’on n’ait le temps de se rendre compte comment, passent pour des grandes vérités quand le personnage de William, joué par Aaron Johnson, les adresse aux autres.
Dans les 5mn qui suivent la création de la chatroom par William, les personnages parlent de pleins de trucs pseudo-profonds mais con, et on a la terrible impression que William les embobine en racontant de la merde qu’ils trouvent inexplicablement géniale, mais ça va tellement vite que je ne pourrais expliquer ce qui se passe.
Et en 5mn, tout le monde devient best friends. Je ne sais pas trop pourquoi, mais même la personne suspicieuse à propos de William accepte volontiers de revenir sur le chat.
Il y a à un moment une discussion tellement sidérante de connerie que je n’arrivais pas à croire ce que je voyais/entendais : une des filles du chat se plaint du manque d’attention de ses parents, et les autres lui conseillent de faire de la "random violence" envers sa famille, pour resserrer les liens entre eux. La fille prend ça avec sérieux et réagit à cette idée en souriant, toute contente. Du coup, elle va ensuite anonymement foutre de la merde sur la voiture de sa mère.
Incroyable.

Les personnages de Chatroom sont tous plus ou moins cons ou naïfs. L’une d’elle est une ado qui fait déjà du mannequinat, on l’imagine bien comme une fille pourrie-gâtée mais populaire, du coup c’est vraiment bizarre de la voir tomber amoureuse de William, tout simplement parce qu’ils ont trollé ensemble. C’est encore plus bizarre de la voir se comporter comme le ferait une fille impopulaire qui ne saurait pas trop comment fonctionnent les rapports humains : sur le chat, elle demande à William si elle peut dire qu’ils sont "boyfriend/girlfriend".
Elle reste auprès de lui-même après avoir appris que son but sur internet était de s’amuser à pousser les gens au suicide. Oui carrément, d’ailleurs dans Chatroom on dirait qu’il y a toute une communauté spécialisée dans cette activité. Il y a même une chatroom où l’on voit des adultes s’acharner à insulter un gamin, qui se laisse faire, prostré sur lui-même. WTF ? Je comprends pas ce que c’est censé représenter concrètement ; si c’est une salle de chat, pourquoi le gosse ne se déconnecte pas ?
Il faut aussi voir comme le film représente les chatrooms pour adultes, et les pédophiles qui se font passer pour des gamines… c’est à chaque fois lamentable.
Mais putain, même la représentation du monde "réel" dans ce film est foirée. L’un des ados du chat, alors qu’il est en train de manger tout seul dans une sorte de marché aux puces, est rejoint par une inconnue (une goth) qui se pose à côté de lui simplement pour discuter avec lui.
Non mais sérieusement, ça n’arrive pas dans la vie ça. Une belle goth, qui, dans un lieu rempli de monde, décide spontanément, par excès de gentillesse, d’aller vers un type esseulé à l’air timide ? Et elle va faire du shopping avec lui ensuite ? Mais dans quel monde tu vis, Hideo Nakata ?
Le nom du réalisateur me disait quelque chose, j’ai regardé ensuite ce qu’il avait fait : Ring, Dark water, … Ah bah si j’avais su ! En tout cas je sais que je ne reverrai plus jamais un film qu’il a réalisé.
Ca faisait longtemps que je n’avais pas mis 1/10 à un film sur Senscritique, et longtemps qu’un film ne m’avait pas autant énervé.
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le 5 mars 2013

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Wykydtron IV

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