Rien à voir avec la fenêtre sur cour d’Hitchcock : le suspense de Chambre avec vue ne monte pas plus haut que l’angoisse de commettre un impair en bonne société. Interprétation littérale du roman qui l’a inspiré, le film apporte les promesses du cinéma, essentiellement visuelles, & ne commet pas le moindre faux pas en matière de décors & de costumes.
Il a costumé les dialogues aussi, néanmoins : les lignes ne vont jamais ensemble, décollée les unes des autres dans une négligence d’autrui qui redonde avec les intonations compassées de personnages qui surjouent – oui, les personnages ; leurs acteurs ont avant tout la responsabilité d’en faire les diapasons constants d’une bourgeoisie que rien ne perce, pas même les forts sentiments ni les libres penseurs. On est, au sens le plus strict du terme, dans la “bonne” société. Rien d’autre ne doit exister. Donc elle est “bonne”.
On a beau croire au démarrage lent, c’est tout le film qui s’étire dans cette bonté molle d’une foule de gentilhommes & femmes qui ne se supportent pas – & que le cinéaste faillit à faire tenir au-dessus de leur propre superficialité.
Pour éviter de voir des tares partout où l’œuvre ne voulait que relater les corollaires de son sujet, on essaye de reconstruire le propos, qui doit être là, quelque part sous les monceaux de jolis mots, l’exploitation de protagonistes forts (des bourgeois érudits, ça fonctionne toujours en théorie), l’hypocrisie, les non-dits : les mensonges de la jeune Bonham-Carter, qui font l’objet d’intertitres récurrents essayant bizarrement de reconstituer des chapitres romanesques éparpillés, sont sûrement la clé de voûte d’une œuvre destinée à la maturité, ou à l’inverse le signe avant-coureur de l’écroulement de quelques bonnes mœurs ou le début d’une prise de conscience. Hélas, rien de tout ça : potins & bonne éducation auront de bout en bout la main mise sur une histoire engluée qui pas une seconde ne suspend le huis-clos social.
Donnant une vision étroite d’hommes & femmes “du monde” qui ne connaissent rien de ce dernier, le film offre une vue aussi piètre que la fameuse chambre dans une mixture de fait-exprès & d’incréativité ; on aurait pu comprendre s’il nous avait au moins laissé ouvrir la fenêtre.
→ Quantième Art