Qu’on aime son cinéma ou pas, l’italien Luca Guadagnino peut se flatter d’une réputation aguerrie et méritée dans le cinéma indépendant international. On lui doit trois grands films à la suite. D’abord le chef-d’œuvre de poésie et de sensualité que fut le sublime « Call me by your name » suivi du remake clivant et impressionnant - dans tous les sens du terme - de « Suspiria » puis d’un film qui semblait mélanger ces deux propositions antagonistes de manière tout aussi efficace avec « Bones and all », qui lui mêlait donc romance et horreur. Deux de ses films sont avec Timothée Chalamet mais cette fois l’auteur a choisi sa partenaire de « Dune » et star de la brillante et mythique série « Euphoria », Zendaya, qui tient donc le haut de l’affiche de ce suspense amoureux et sportif dans le milieu du tennis. C’est peu dire qu’on n’attendait pas le cinéaste ici dans ce qui ressemble fortement à un film de commande pour un studio mais on n’y perd pas au change. Certes, on est loin des fulgurances et de la maestria des œuvre suscitées (pour ceux qui adhèrent) mais il nous offre un film charmant, agréable et parfaitement dans l’air du temps.
Sur le canevas classique du triangle amoureux, le script innove sur bien des aspects et évite la redite de la comédie romantique telle qu’on aurait pu s’y attendre. Car, non, « Challengers » n’a rien de la guimauve pour adeptes d’une gentille histoire sentimentale. Il organise un match aussi bien sur les courts de tennis que dans les cœurs où règne une forme de manipulation. Les allers et retours temporels entre le fameux match final avec les deux prétendants et différentes périodes du passé, lointain ou proche, pimentent agréablement le récit en entretenant un certain suspense plutôt bien amené. Cette absence de chronologie n’est donc pas un simple gimmick pour dire de débanaliser l’histoire. Chaque nouvelle séquence du passé nourrit la tension du présent et agrémente le mystère sur l’issue sportive et amoureuse. En outre, la dynamique entre les trois protagonistes est parfaitement orchestrée et empreinte d’une sensualité incontestable.
« Challengers » a également le bon goût d’être un long-métrage totalement en phase avec son temps puisque les rapports entre les trois personnages (quasiment seuls à l’écran) sont d’une modernité indéniable. Ni plombé par des excès wokes à la mode et ridicules, pas plus que serti dans un emballage à l’ancienne, les comportements et rapports de ces trois-là sont éminemment contemporains. De cette valse à trois, on ressent aussi bien le désir des deux hommes envers leur cible amoureuse que les rapports fraternels et presque amoureux entre les deux garçons. Pour couronner le tout, Guadagnino nous réserve une mise en scène de toute beauté, inventive et plein d’idées aussi bien dans les scènes intimes que dans les scènes de match. D’ailleurs, certains plans sont sacrément bien trouvés (la caméra à la place de la balle de tennis qui passe d’un joueur à l’autre par exemple) et nous immergent dans les matchs alors que le tennis est loin d’être le sport le plus cinématographique qui soit. Tout cela est visuellement très qualitatif et voluptueux. Ajoutons à cela, la musique électronique, étonnante et du meilleur effet de Trent Reznor et Atticus Ross et on obtient une délicieuse romance sportive haletante et pleine de sensualité sans sombrer dans l’érotisme toc. Son seul gros défaut : elle est beaucoup trop longue... En effet, deux heures et quinze minutes, c’est bien trop pour ce type de film et cela se ressent notamment beaucoup dans un final à rallonge. Hormis cela, c’est une petite réussite.
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