Certaines femmes raconte l'histoire de quatre femmes, dans trois histoires différentes (oui c'est contre-intuitif) dans une ville paumée du Montana. On change de décor, pour une fois il n'est pas question de l'Oregon, état américain omniprésent dans la filmographie de Reichardt. Mais la forêt laisse place à un environnement non moins splendide. Il faut dire qu'elle a le chic pour réussir à mettre en valeur ses décors naturels avec une photographie magnifique, mais sans être tape à l’œil.


Encore une fois, on retrouve l'une des plus grandes qualités de son cinéma, à savoir le calme. La première histoire parle d'un type qui a tout perdu et qui pète un câble et se retrouve à prendre des otages. Je crois que je n'ai jamais et que je ne reverrai jamais plus une prise d'otage aussi calme. Ce n'est pas qu'il n'y a pas d'enjeux, que tout ça ne peut pas rapidement dégénérer, on sait que ce type est à bout, mais on évite l'écueil des scènes où l'on se hurle dessus au lieu de se parler, tout en faisant une proposition esthétique des plus originales et bienvenues.


Il faut saluer la direction d'acteur, qui participe clairement à cette ambiance calme et posée, malgré la gravité de ce peut être en train de se passer. D'ailleurs il faut noter que rarement Kristen Stewart aura été aussi juste. On sent qu'elle est fatiguée, que ça va pas, que son corps va lâcher, qu'elle ne croit pas en ce qu'elle fait et elle est vraiment touchante. Et c'est vrai de manière générale pour tous les acteurs, on croit vraiment dans leur personnage. Laura Dern et son pull couleur taupe (ou pas), son regard gêné, ne sachant plus quoi faire pour aider son client et qui en même temps a juste envie qu'il lui fiche un peu la paix, elle est absolument fabuleuse. On sent rien qu'en la voyant qu'elle n'est pas un personnage unidimensionnel et ça passe par des détails, des petites phrases, qui tout de suite viennent apporter de la crédibilité.


Vraiment, même s'il ne se passe quasiment rien de tout le film (à part cette prise d'otage au début), c'est un réel plaisir de les voir évoluer à l'écran, faire leurs petites affaires, avec tout ce que ça comprend de terrible, mais également de beau. Ce petit vieux qui ne salue pas Michelle Williams en retour, c'est terrible, ça fend le cœur.


Le cinéma de Reichardt c'est ça, capter les petits riens qui disent tout... ça donne toute la saveur à ces tranches de vie de femmes, seules et un peu perdues. On est loin d'un film féministe militant qui hurlerait son message pour bien se faire voir. Ici, la réelle révolution c'est de s’intéresser de faire s'intéresser à ces femmes très différentes les unes des autres. Des femmes différentes par leur classe sociale, par leur mode de vie, leur métier, leur but dans la vie, mais qui ont cette amère solitude en commun. J'aime beaucoup le personnage de Michelle Williams pour ça, alors que c'est sans doute le plus antipathique du lot, elle a beau avoir une fille, un mari, elle ne peut compter que sur elle, son mec est incapable de vraiment l'aider.


Donc forcément, lorsqu'enfin un personnage semble éprouver de l'affection pour un autre, même si la relation est étrange asymétrique, on a envie que cette relation puisse évoluer, aussi bizarre fusse-t-elle.


Sans intrigue, mais pas sans émotions, Certaines femmes est un vrai beau film. Peut-être pas le meilleur de son auteur... mais un beau film malgré tout.

Moizi
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le 21 déc. 2021

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