[Cette critique peut contenir du Spoil]


Ce qui nous lie s’ouvre sur le regard du héros enfant au travers d’une fenêtre, dévoilant le domaine viticole de son père. Premier plan annonciateur du thème du film, le regard porté sur son héritage et sur soi-même.


Klapisch nous plonge dans les terres bourguignonnes loin de toute urbanité, un retour à la nature pour le spectateur, un retour aux sources pour son héros Jean (Pio Marmaï), qui revient dans la maison familiale dix ans après l’avoir quittée, car son père est gravement malade. « J’étais parti pour le fuir, et je suis revenu à cause de lui » explique-t-il en arrivant. La figure paternelle et sa perte seront pour chacun des personnages, Jean, son frère Jérémie (François Civil) et sa sœur Juliette (Ana Girardot), le début d’une quête d’identité. Identité qui passe par l’émancipation de cette figure et la reconstruction des liens fraternels. 
Klapisch s’amuse à construire ses scènes comme des miroirs, faisant des retours incessants entre l’enfance de ses personnages et leur âge adulte, et à jouer sur les répétitions (les dégustations, les vendanges, etc.), quitte parfois à en abuser, rendant sa mise en scène artificielle. Mais l’effet recherché fonctionne, ses personnages plongent dans leur passé pour mieux avancer dans leur présent. Comme la retrouvaille d’une veste du père, qui permet d’apporter à Jean les réponses qu’il n’avait jamais eu. Klapisch montre l’amour, mais aussi les doutes que traverse cette fratrie, Jean qui refuse son rôle d’aîné, Juliette qui récupère cette tâche malgré elle, Jérémie qui souffre d’être ramené à son rôle de cadet, en particulier face à son beau-père. Il utilise le cadre pour les réunir, les opposer, les diviser. Une séquence est notamment brillante. Après un souvenir où Jérémie tombe d’un arbre, Jean est grondé par son père. Réunis sur le même plan au moment de monter dans l’arbre, ils sont ensuite séparés par des plans individuels, une fois rentrés dans la maison. Au moment où leur mère les appelle pour faire « un câlin familial » qui devrait permettre de les voir rassemblés, on bascule dans le présent à l’âge adulte. Si les trois occupent bien le même cadre, Juliette se dirige vers la gauche, Jérémie vers la droite pour sortir de celui-ci, laissant Jean seul face à un miroir, donc face à lui-même.
Avec ces trois personnages, *Ce qui nous lie* questionne le sentiment d’appartenance, l’encrage et l’enracinement à une terre. Face à l’héritage de leur père, et même de leur grand-père, les choix à faire se bousculent : suivre la tradition, embrasser la modernité, ou bien abandonner. Les interrogations sur la gestion du domaine sont les mêmes que celles qui traversent les personnages. Comme le vin qu’ils produisent, ils finissent par évoluer et mûrir. Ce n’est pas sur une fenêtre que se clôt le long-métrage, mais par une route, le regard porté vers l’arrière laisse place à la marche vers l’avant.
_Hella_
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste films vus en 2022

Créée

le 3 avr. 2022

Critique lue 17 fois

2 j'aime

Julien

Écrit par

Critique lue 17 fois

2

D'autres avis sur Ce qui nous lie

Ce qui nous lie
mymp
2

Klapisch kaput

Le point de départ du nouveau Cédric Klapisch (écrit avec Santiago Amigorena, le complice des débuts) ressemble étrangement à celui de Six feet under, la série culte des années 2000, mais ramené au...

Par

le 7 juin 2017

24 j'aime

4

Ce qui nous lie
JorikVesperhaven
8

Une comédie dramatique touchante et drôle, pleine de chaleur humaine, pour un Klapish en grande form

Cédric Klapish s’est essayé à de nombreux genres durant sa carrière mais force est de constater qu’il n’a pas son pareil lorsqu’il fait le choix de croquer des tranches de vie dans leur plus simple...

le 30 mai 2017

22 j'aime

1

Ce qui nous lie
Plume231
4

Mauvais cru !

Mouais, 2017 ne sonne pas pour moi comme un grand millésime pour le cinéma de Klapisch. Et oui, je compte impitoyablement ponctuer cette critique de jeux de mots bien pourris ayant l’œnologie pour...

le 14 avr. 2022

20 j'aime

5

Du même critique

Le train sifflera trois fois
_Hella_
7

Lonesome Cowboy

Si l’intrigue du Train sifflera trois fois est d’une grande simplicité, le retour imminent en ville d’un bandit souhaitant se venger du shérif qui l’a fait condamner, il réunit les éléments qui...

le 7 avr. 2022

2 j'aime

Ce qui nous lie
_Hella_
8

La vie et les vignes

[Cette critique peut contenir du Spoil] Ce qui nous lie s’ouvre sur le regard du héros enfant au travers d’une fenêtre, dévoilant le domaine viticole de son père. Premier plan annonciateur du thème...

le 3 avr. 2022

2 j'aime

28 jours plus tard
_Hella_
8

Civilisation

[cette critique contient du spoil] Un homme nu dans un lit d’hôpital, immobile, ligoté par les innombrables fils auquel il est branché. 28 jours avant, des singes échappés d’un laboratoire ont...

le 16 avr. 2021

2 j'aime