Cédric Klapisch livre ici un film doux-amer sur le temps qui passe, la famille, les départs, la perte, les retrouvailles, le patrimoine, et ceux qui restent.
Que reste-t-il d’une fratrie quand le frère aîné revient après 10 ans d’absence dont 5 ans de mutisme total?
Que reste-t-il du domaine familial quand le père est parti et qu’il faut payer les droits de succession?
Que reste-t-il d’une famille quand chacun a pris sa direction, quand le temps est passé par là et impose de continuer?


Ce qui nous lie est un film qui sans prétention évoque des sujets simples qui parlent à tous: l’attachement au terroir conçu à la fois comme la terre qu’on travaille et comme la culture qu’on nous lègue.
Chez Jean, Juliette et Jérémie l’héritage est avant tout l’amour du vin: petits ils ont appris à le déguster, l’apprécier, l’évaluer; grands ça reste un moyen de se retrouver autour d’un bon verre, mais pas que, c’est aussi devenu un gagne-pain, un fil invisible qui les relie à leur passé.
Une fois orphelins, on goûte le vin pour mieux le faire, on essaie de mettre à profit des années d’apprentissage pour recréer les gestes paternels.
Chaque personnage à son niveau, à son rythme, et avec son passé.


Jean, l’ainé pour lequel le père a toujours été exigeant est parti pour ne pas se sentir enfermé dans une maison qui ne bougeait pas, il a fuis l’emprise familiale pour exercer le même métier à l’autre bout du monde. Son rapport au patrimoine paternel est le plus ténu.


Juliette est la fille du trio: celle qui tient la baraque, qui reprend le flambeau, qui à l’opposé de son frère est attachée au terroir.


Jérémie lui est le petit dernier indécis: coincé entre l’amour qu’il porte à ses frangins et le ressentiment qu’il entretien vis à vis de l’ainé qui les a abandonnés, coincé entre l’exploitation de ses parents et celle de ses beaux parents, entre sa famille d’origine et celle qu’il essaie de construire.


Les trois se retrouvent pendant un an dans la maison familiale, dans une sorte d’échos déformé de leur enfance: formant pendant 12 mois une parenthèse pour faire le deuil du père.
La délicatesse du film, c’est de ne jamais oublier que chacun arrive avec son bagage, où se mélangent les souvenirs communs mais pas toujours vécus de la même façon, ceux qu’ils ont construits individuellement. Ils ne sont pas monoblocs: chacun porte ses blessures, ses joies, ses aspirations.
Sans volonté de blesser les deux autres, ils se retrouvent à devoir vivre leur vie, abandonner une part de ce qui a formé leur unité, s’émanciper du noyau famille sans pour autant le renier.
Difficile d’avancer, d’évoluer sans trahir son passé.


Cédric Klapisch arrive, avec beaucoup de talent à évoquer ceux qui restent: à côté du trio: les familles qui font pression, les situations de couple “c’est compliqué”, l’héritage qu’il faut régler, et le boulot qui continue…


Comment réussir à dire autant de choses sur la vie en si peu de temps? En évoquant seulement un instant de leur vie, une seule année perdue au milieu d’autres, mais sans doute une année charnière qui marquera le premier jour du reste de leur vie.
Ca parle de patrimoine et d’attachement à la terre, et ça parlera assurément à beaucoup de personnes: le vin est comme le fromage: il en existe dans toutes les régions de France, et voir des vignes, des caves, des vendanges, ça évoquera forcément des souvenirs à la plupart d’entre nous.


Le tout est bien filmé, avec une mise en avant de la bourgogne qui donne des envies de voyage, des dégustations de vin qui donnent des fourmis à nos papilles, une musique qui berce nos oreilles et nous donne l’impression de planer, et des acteurs magnifiques qui nous font penser qu’ils n’existent plus derrière leurs personnages.


Un beau film de famille.

iori
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le 29 août 2017

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iori

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