Now the whole world’s gonna know that you died scratching my balls.

Trois films en un pour un sacré dépoussiérage, après les accrocs de la période Brosnan. C’est que le Bond version Daniel Craig, en plus de se construire et évoluer au fur et à mesure de son intrigue revenant à ses débuts, va en vivre des péripéties au sein d’un seul film.
En premier lieu un agent en voie de confirmation dans une scène introductive brutale suivi d’un agent tout juste promu se lançant avec ténacité dans une course poursuite à pied destructrice. Craig compose cette première partie de son Bond dans la force brute et la témérité, mais laisse poindre aussi un Bond astucieux et efficace, trouvant toujours une parade, un autres accès, un échappatoire... Fonceur, instinctif, provoquant et vilain garçon, c’est ainsi que Bond se lance à la recherche de la réponse à l’énigme ELLIPSIS dans un film prenant des atours de thriller. Jamais d’hésitations lorsqu’il faut déstabiliser un adversaire ou l’arrêter, pas de retenue lorsqu’il faut trouver des réponses dans les bras de la femme de l’adversaire, et pas la moindre empathie quand ses actes ont des conséquences funèbres. Bond est impénétrable et imprenable. Mais Bond en prend aussi plein la gueule, physiquement, lors d’une autre folle poursuite dans l’enceinte d’un aéroport. Il y a urgence, peu de temps pour réfléchir, ce qui tombe bien car le Bond de Craig c’est plutôt le genre à s’adapter dans l’instant et dans l’action, plutôt que de réfléchir avant d’agir. James porte les marques de ces actes sur le visage... Un vilain garçon qu’elle disait.
En second lieu, un deuxième James Bond va se révéler. Arrogant, torturé, colérique, impatient, froid, joueur, ... et rien de mieux qu’un partie de poker pour exacerber les caractères. Et rien de mieux que de confronter cette personnalité en construction à une autre personnalité tout aussi trouble et torturée en la personne de Vesper. Deux mondes et deux forces entrant en collision. Entre observation, provocations, découvertes (La plus difficile dans un premier temps sera pour Vesper découvrant la violence du monde de Bond) et séduction.
C’est une double partie qui se joue à ce stade, d’abord autour de la table face à Le Chiffre. Banquier énigmatique, c’est un homme qui aime contrôler son univers. Contrôler ses émotions, contrôler le jeu, avoir le contrôle sur ces adversaires... Et pourtant un contrôle de façade. Affublé d’une particularité physique «incontrôlable» (un dérèglement lacrymal) Le Chiffre «perd son sang» froid à plus d’une occasion. Acculé il en viendra à relever ses manches pour une scène de torture des plus douloureuse sur l’anatomie de Bond. Torture prenant une direction inattendue tant Bond est décidé à jouer de sa condition et à rabaisser son tortionnaire. A l’inverse de Sean Connery dans Goldfinger ou de Timothy Dalton dans Permis de tuer, Bond/Craig accepte la situation désespérée. Mads Mikkelsen est impériale dans le personnage, le composant dans une économie de moyen. Le moindre regard et la moindre inflexion sont plus révélateur sur le personnage qu’un long dialogue.
En parallèle de la partie de poker, Bond joue une autre partie avec le personnage de Vesper Lynd. Belle, troublante, déstabilisant Bond autant que celui ci la déstabilisera. Deux personnages opposés que tout rapproche. Bond laissera apparaître une nouvelle facette au moment de consoler Vesper qui aura bien du mal à oublier la violence du combat dans l’escalier.
Et c’est dans les bras l’un de l’autre que débute le «3ème film». Ces deux âmes torturées et fragiles qui s’ouvrent l’une à l’autre, faisant tomber les armures. Un voyage sans retour pour tous deux. James Bond en ressortira encore plus froid, plus cynique et plus revanchard.
Ce parcours, tel des strates se superposant, façonnant un James Bond original dans la familiarité.
L’accompagne dans cette aventure Giancarlo Giannini parfait pour un Mathis désinvolte, sur de lui et délicat. Jeffrey Wright dans la peau du meilleur Felix Leiter de la saga, plutôt blasé et détaché comme si il avait déjà tout vu et tout vécu et arrivant à faire autorité sur un Bond dans un de ces moments d’impatience. Judi Dench, infaillible M devenant une Mère/Patronne, se retrouvant à une place similaire à GoldenEye à devoir recadrer son agent , mais cette fois comme un enfant pour son inaptitude à anticiper les conséquences de ses actes et non plus pour son machisme.

Une intrigue surgonflée, peut être même trop, Bond se retrouvant en à peine 2h adoubé double zéro, vivant son grand amour, envisageant sa démission, trahi dans son fort intérieur, revenant plus féroce... il y aurait de quoi faire toute une franchise sur ce canevas. Mais une intrigue bien agencée entre moments de bravoure, de démolition et action en tout genre, de suspense, de gravité, de touches d’humour, de romantisme...
Martin Campbell revient dynamiser la saga avec élégance et efficacité, faisant une nouvelle fois appel à Phil Meheux à la photo pour une proposition tout aussi léchée que GoldenEye et pourtant différente. Un film plein à ras bord, entra action explosive et thriller tendu, un Bond à multifacette, une Bond Girl à se damner... c’est du Bon(d)

Le Générique :
Chanson - Un morceau sans saveur et Chris Cornell a beau hurler ça n’a aucune pêche. A vite oublier.
Visuel - Anguleux et bagarreur, les teintes rouge et noir prédominent dans cet univers casino/cartes à jouer. Le graphisme donne le ton.

LA James Bond Girl :
Eva Green aka Vesper Lynd. Une beauté troublante et énigmatique. Une relation avec Bond traitée comme une partie de poker, entre étude de l’adversaire, provocation, relances, bluff, main gagnante,... Elle a du répondant, tient tête à Bond, elle est envoûtante, le déstabilise, un background ténébreux et triste... le personnage féminin le plus complexe et travaillé de la saga. Eva Green est magnifique. Le personnage est magnifique. Sa mort est particulièrement troublante (ce «regard» avant que ses paupières se ferment est effrayant).

LA réplique :
«Now the whole world’s gonna know that you died scratching my balls.»

Un James Bond entre douleur et hilarité nerveuse provoquant son tortionnaire par les seules armes qui lui reste, les mots et le dédain. Malgré tout Le Chiffre lui fera rapidement ravaler ce mépris avec sa répartie sur «la vue d’ensemble».

LA scène :
La scène d’introduction entre NOIR et BLANC. Au premier meurtre violent, désordonné, fastidieux, commis par Bond dans les toilettes baigné d’un blanc laiteux, répond le deuxième meurtre, anticipé, maîtrisé et exécuté avec froideur et distanciation, plongé dans les ténèbres. Un montage alterné et des cadrages d’une grande efficacité, une photo magnifique, et un personnage remis sur de bons rails.

SemWen
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le 8 mai 2022

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