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J'ai croqué dans ce film de nombreuses fois, séduite par le visage vulnérable d'un amoureux en quête du féminin.

On nous invite à la contemplation souple, soucieuse et analytique.

Le concept du temps est au centre de la démarche symboliste du film.
C'est un motif sentimental : le coeur abimé par une rupture, Ben s'installe dans l'éveil perpétuel et douloureux des insomniaques. Son spleen romantique s'illustre dans la percutante souvenance des moments d'amour révolus : ils défilent au ralenti, les voix aphones dans l'enveloppement musical du piano.

Le temps se décompose en scènes photographiques et sculpturales : le héros pose sous son crayon le corps des femmes en pauses intimes, déshabillées par ses soins. Dans un temps suspendu par l'artifice cinématographique, seul le héros se déplace dans l'espace immobile. Le Beau du nu outrepasse l'érotisme pervers du déshabillage non consenti. Dans ce supermarché de nuit, on dévoile la générosité esthétique des gestes habituels. On est à l'école de l'artiste dont l'oeil aguerri soupçonne le sublime sous la vulgarité du quotidien.

On touche finalement au motif philosophique. Cet oeil démiurgique déshabille la vanité du réel et cherche l'existence. La beauté est au service de l'introspection comme l'illustre la voix off du héros qui nous accompagne, basse et lente, et qui parfois descend dans la psychanalyse en nous menant à ses souvenirs d'enfance. Dans sa réflexion, et amoureuse et plastique, se révèle une démarche habitée par un désir questionnant : qu'est-ce que ces corps disent de l'âme qu'ils habillent ?

Évidemment, c'est un conte idéal. Outre le fait que les femmes soient toutes d'une beauté stupéfiante, on remarque alentours des indices de la rêverie. Ce film semble dessiner l'esprit des idéalistes, ceux qui voient en toute chose un charme secret et qui projettent leurs fantasmes au-dedans, ceux qui croient en la métaphysique du grand amour.

Car oui, c'est une histoire d'amour. Le héros se remet de sa rupture amoureuse en réinvestissant ses élans amoureux dans une nouvelle histoire. Sharon incarne sa nouvelle dynamique, sa nouvelle obsession (tellement ahurissante à la fin du film). Le bonheur relance le temps et son écoulement car il est le délice de notre finitude : vivre de tout son coeur dans un temps imparti, jusqu'à ce que le sablier se brise ou se vide. Dans nos vies dont nous tentons d'ébaucher la silhouette, le temps prend la ligne de fuite.

C'est même une comédie, soutenue par des personnages secondaires loufoques et parfaitement plausibles dans leur idiotie, ce qui les rend attachants et allège la pesanteur introspective du scénario.

En fin de compte, j'ai été touché par cet artiste écrasé par l'effet absorption énergétique du vélo qui pédale dans ses pensées, interminablement, par cette hyper-réflexivité qui nous sort de l'action et nous enfonce dans le contemplatif mélancolique. Il est fragile, lunaire, cérébral, pervers, obsessionnel et romantique. Et pourtant, on a envie de l'accompagner sous les flocons de l'épilogue.

Pour les mordus du corps féminin et les intellectuels romantiques.
Verlaine
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le 14 févr. 2015

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Verlaine

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