Cartouche,petit voleur des rues,doit quitter Paris précipitamment après s'être mis à dos le lieutenant général Ferrussac,qui dirige la police,et Malichot,le chef de la pègre.Il s'engage dans l'armée,où il dérobe un coffre plein d'or avant de déserter et de regagner la capitale,où il prend le pouvoir dans le milieu des truands.S'appuyant sur la grande pauvreté du peuple,il monte une véritable armée de malandrins qui détroussent les riches au nez et à la barbe des autorités.Ce quatrième long-métrage de Philippe de Broca jouit d'une flatteuse réputation cependant très excessive.Tout était pourtant réuni pour obtenir un très bon film de cape et d'épée,avec un sujet fort,la vie d'un célèbre bandit ayant réellement existé,une production cossue assurée par le célèbre duo Georges Dancigers-Alexandre Mnouchkine,une fantastique reconstitution d'époque axée sur les décors de François de Lamothe et les costumes de Rosine Delamare,grande spécialiste du "cape et d'épée" qui travaillera notamment sur la série des "Angélique" débutant deux ans plus tard,plus une musique parfaite,très 18e Siècle, du grand Georges Delerue et un casting haut de gamme.Et il y a des chevaux,des carrosses,des rues mal famées,des repaires secrets et une figuration nombreuse.Hélas tout ce bel agencement s'écroule devant le scénario cosigné par de Broca,Charles Spaak et Daniel Boulanger,ce dernier étant par ailleurs auteur des dialogues,qui hésite entre film de cape et d'épée et parodie du genre,se plantant finalement sur les deux tableaux.Tout baigne dans la stupidité du film d'aventures de série B que populariseront plus tard Terence Hill,ici personnifié par Jean-Paul Belmondo,et Bud Spencer,visiblement inspiré par Jess Hahn."Cartouche" c'est "Hill et Spencer sous la Régence",version gauchisante à la Robin des Bois.Cette histoire se réduit à une suite de gags débiles et de bagarres mal chorégraphiées par le pourtant réputé Claude Carliez.Le fond est tragique,qu'il s'agisse de la situation sociale,de la répression oligarchique,de la guerre ou des actions criminelles de la bande de truands,mais le traitement désinvolte et rigolard du script détruit consciencieusement la mise en place initiale.Pourquoi pas en faire une comédie après tout?Ca aurait pu marcher si seulement ça avait été drôle mais là l'humour pèse des tonnes et les développements sont d'une invraisemblable puérilité.Ca peut éventuellement fonctionner sur un public très jeune mais cet enchaînement de dangers facilement résolus par les guignolades de héros hilares opposés à des méchants si nuls et si aisés à berner en permanence ne peut guère satisfaire des spectateurs un minimum évolués.Belmondo frime à mort,prend des poses et exécute de jolies cabrioles pendant que Jean Rochefort sourit comme un con et que Hahn,l'Obélix de service à accent américain à couper au couteau,démolit ses adversaires par paquets de dix lors de combats horriblement mal foutus.Tout est répétitif,invraisemblable et prévisible,le film devenant d'un ennui consternant.La parodie est un art délicat à manier et ici les auteurs s'y sont cassé les dents.Reste la face politico-moraliste de l'oeuvre,cette hagiographie faisant d'une crapule un héros généreux redistribuant au peuple le produit de ses rapines.La vérité est un peu plus nuancée,Cartouche étant surtout un communiquant avant l'heure qui savait comment manipuler les gens et les gagner à sa cause.Il est vrai que le mouvement qu'il a engendré peut être considéré comme pré-révolutionnaire,il a été exécuté en 1721,moins de 70 ans avant la Révolution,mais c'était involontaire de sa part,l'évolution politique n'étant pas son but premier.Il a aussi profité de la faiblesse d'un pouvoir incarné par ce gugusse de régent,Philippe d'Orléans,miné par la guerre,la faillite de l'Etat et les frondes de l'aristocratie,du peuple et du clergé,ce qui est superbement illustré par le "Que la fête commence" de Tavernier.Les scénaristes parviennent d'ailleurs mal à dissimuler la vraie nature de Cartouche et sa "valeur morale" réelle à travers les scènes de guerre qui,tout en se voulant comiques,montrent le personnage et ses copains se planquant pour échapper à la bataille et regarder leurs camarades se faire massacrer avant de récolter les lauriers de l'opération en passant pour des héros,puis dérober la solde des autres militaires et se barrer avec.Outre Belmondo,Rochefort et Hahn,pas à leur meilleur,il y a Claudia Cardinale en gitane petite amie de Cartouche.Si la beauté de l'italienne est subjuguante,elle montre aussi clairement ses limites d'actrice,interprétant platement cette idiote soumise et amoureuse d'un queutard qui la trompe allègrement,d'où sans doute l'expression "je vais te mettre une cartouche".Ce qui branche le gars,c'est plutôt de se faire la classieuse épouse de Ferrussac,Isabelle,jouée par la très choupinette Odile Versois,autant semble-t-il par attirance sexuelle que par désir de revanche sur l'aristo,lequel a les traits de Philippe Lemaire,arrogant à souhait,tout comme Marcel Dalio est d'une délicieuse veulerie dans le rôle de Malichot,le patron déchu de la Cour des Miracles,qui attend son heure pour se venger.On voit également passer Noël Roquevert,truculent en sergent recruteur,Jacques Balutin dans un stupide emploi de moine providentiel et aussi Jacques Charon,Pierre Repp,Philippe Castelli,Paul Préboist,Roger Trapp et Dominique Davray.Beaucoup de ces comédiens sont des habitués des films de Belmondo et certains,comme Rochefort et Lemaire,apparaitront dans la saga "Angélique".

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le 6 sept. 2022

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