La foi contre la vérité

Réalisé par Michele Placido en 2022, "Caravage" - ou L'ombra di Caravaggio en v.o - est certainement et à ce jour le plus beau film qu'il m'a été donné voir sur ce grand maître de la peinture qui est Michelangelo Merisi alias Le Caravage.

On y trouve, dans les rôles titres, Riccardo Scamardo dans l'interprétation qu'il nous donne de cet artiste maudit et incompris mais aussi Louis Garrel dans son Ombre, véritable alter égo du Caravage, Isabelle Huppert en Marquise de Colonna aussi belle que sublime et Brenno Placido, le propre fils du réalisateur, dans le rôle de Rannuccio, rival et ennemi du Caravage.

L'histoire se passe en Italie, en 1609, au moment où le Caravage est accusé de meurtre et pour se sauver des autorités pontificales romaines, est forcé de se réfugier auprès de la Marquise Colonna, à Naples. Là-bas, il tente d'obtenir la grâce de l’Église pour revenir à Rome. Mais le pape décide alors de faire mener une enquête par un inquisiteur surnommé l'Ombre pour connaître la vie et l'oeuvre de l'artiste, jugé subversif, déviant et dont le travail nuit à la morale chrétienne.

C'est un film que j'ai adoré. L'interprétation des acteurs et actrices est absolument majestueuse, correspondant parfaitement aux rôles qu'ils incarnent. On rentre ainsi dans l'intimité et les sentiments les plus secrets de ces personnages qui nous apparaissent plus vrais que nature à l'écran. Le travail fait sur la mise en scène, les décors, sont soignés. Chaque plan est d'ailleurs conçu comme une toile du peintre, avec ses points de lumière et ses zones plus ombrageuses comme si celle-ci semblait absorbée ou cherchait à éclairer un point précis du tableau. C'est le principe même des toiles du Caravage appliqué dans ce métrage aux plans qui nous sont ainsi présentés.

Quant à la thématique du film, à savoir non seulement la vie de l'artiste, mais aussi sa méthode de travail, elle est sans fausses notes et l'on sent tout le travail de recherche documentaire qu'a du effectuer le réalisateur pour nous rendre un résultat sur grand écran de près de deux heures assez complet. En sujet de fond, nous avons aussi évoqué le combat de l'ignorance contre les lumières de la vérité. Le Caravage étant le peintre honni et en même temps adulé de cette vérité qui dérange. Surtout à une époque où les autorités ecclésiastiques tentaient vainement de reprendre le contrôle sur les choses spirituelles. Dans ce contexte, le Caravage surgit avec sa peinture, son style, qui veut chercher et mettre en lumière la nature réelle des choses. Ainsi, une prostituée pour incarner la Vierge Marie dans sa célèbre toile "La Madone au Serpent" ne sera pas du goût du pape Paul V Borghèse qui le condamnera aux gémonies et à la peine de mort. Le parcours du Caravage peut s'assimiler un peu à celui d'un martyr - voire du Christ lui-même - tellement son chemin, chaotique, traversé de moult épreuves, est comme le chemin de croix d'un supplicié dont le génie est incompris.

Voilà un film d'une beauté rare et d'une grande intelligence qui touchera au cœur et à l'âme tous les amateurs d'art et esthètes. Ainsi que les passionnés du Caravage à qui cette œuvre filmique rend un formidable hommage.