Proposition SF originale, minimaliste et innovante mais pas toujours convaincante et longue à l'allu

Rupert Wyatt surprend avec ce film de science-fiction commun à nul autre dans le spectre de ce genre si codifié et où il devient de plus en plus difficile de proposer quelque chose de différent. Que ce soit dans les décors, le design, le déroulement de l’histoire, c’est un genre qui suit de grandes lignes ou de grandes mouvances inspirées par « Star Wars », « Matrix », « Blade Runner » ou encore « Alien ». Récemment peu d’œuvres ont su insuffler quelque chose de nouveau dans ce genre qui nécessite souvent des budgets pharaoniques. On peut citer, dans les films mémorables récents dont la qualité est laissée à l’appréciation de chacun, « District 9 », « Monster », « Chronicle » ou encore « Premier contact ». Avec « Captive State », le réalisateur du reboot de « La Planète des singes » propose une œuvre de cet acabit. Pertinente, originale, différente et intelligente bien qu’elle souffre de défauts majeurs empêchant clairement de la faire accéder au statut de classique.


D’abord, le long-métrage est très long à l’allumage et, hormis une scène d’introduction impeccable et alléchante, il se passe bien trois quarts d’heure avant qu’on soit réellement absorbés par le destin des personnages. D’ailleurs, ils sont trop nombreux et on ne s’attache à aucun d’eux, il n’y pas vraiment de point d’accroche ce qui interfère avec une bonne perception de « Captive State ». Ils ne sont tous que des rouages beaucoup trop mécaniques d’une intrigue aux enjeux narratifs limités à la seule existence d’une résistance à l’envahisseur et ses moyens d’action. D’ailleurs, le long-métrage ressemble fortement à un film de guerre avec résistants, collaborateurs et envahisseurs, sauf que les allemands sont remplacés par des aliens, les résistants par des pauvres d’un quartier de Chicago et les collabos par l’élite politique. On peut trouver des ponts avec l’actualité géopolitique du moment mais ce n’est pas assez creusé pour être probant. Chacun pourra y voir ce qu’il a envie d’y voir même si on sent un sous-texte assez engagé contre les dictatures et les fausses démocraties prônant la liberté et en faveur d’une réelle liberté. Dommage que ces thématiques ne soient pas davantage appuyées, elles auraient rendu le film bien plus ambitieux.


Mais on apprécie quand même « Captive State » pour tout ce qu’il propose de différent par rapport à un genre balisé. D’abord si la mise en scène n’est pas révolutionnaire, très inspirée des films d’espionnage et de guerilla urbaine, elle contient quelques plans d’une fulgurance esthétique incroyable et le climat se révèle particulièrement anxiogène. Ensuite le design des aliens est totalement novateur et ce n’était pas facile de donner au spectateur du neuf à ce niveau. Ils font peur et son vraiment étranges et on n’aurait d’ailleurs aimé en voir plus, mais certainement que le budget restreint ne le permettait pas. Ensuite, lorsque les actes terroristes prennent forme puis que les pièces du puzzle commencent à se mettre en place, on est plus impliqué et passionné par ce qui se passe à l’écran. Jusqu’à un dénouement implacable et réussi qui, s’il ne surprend pas à 100%, s’avère plutôt satisfaisant. Il y aussi quelques belles séquences (celle de la gare routière par exemple, stressante et éprouvante) et des idées intéressantes (les vaisseaux des aliens et le fait qu’ils se terrent). Dommage que ce soit si amorphe pendant un bon moment et que le film comporte beaucoup de zones d’ombres. Une proposition de science-fiction imparfaite mais intéressante.


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JorikVesperhaven
6

Créée

le 15 mars 2019

Critique lue 2.9K fois

12 j'aime

Rémy Fiers

Écrit par

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