Camera Café 20 ans déjà, c'est violent tant le récit d'ensemble est aigre, bien plus que les deux films d'ailleurs. Certaines séquences donnent envie de se flinguer, sincèrement.

Je sens le difficile numéro d'équilibristes qui tentent notamment de mettre en scène le fossé générationnel en voulant éviter d'être dans le total jeunisme ou à l'inverse le total humour boomer, la recherche d'une justesse est palpable, mais cumuler cette intrigue là aux flashbacks c'est compliqué. D'autant qu'au final, il s'agit toujours bien du récit de la bande habituelle autour d'Hervé et Jean-Claude. Il est donc difficile d'accorder aux personnages du nouveau monde assez de temps pour les caractériser et humaniser convenablement. Certains flashbacks permettent néanmoins de vivre leur arrivée dans l'entreprise et donc de justifier le mépris qu'ils affichent à l'égard de nos anciens, confrontés à leurs propres turpitudes et compromissions historiques.

Il est certain que beaucoup d'éléments de ce récit auraient mérité plus de temps, des sketches entiers, mais pour tenir dans un prime certains événements sont traités en trois ou quatre phrases ou plans emblématiques. Ce qui semble parfois un peu court, notamment lors du segment qui évoque le 7 janvier 2015. Je n'imaginais pas qu'un tel épisode de notre histoire récente serait évoqué à la va-vite. Encore une fois, difficile d'accorder aux idées et aux personnages le temps qu'il leur faudrait pour se déployer convenablement sans avoir choisi de faire une saison entière d'épisodes distincts. On déplore, mais on comprend.

Globalement je ne suis donc pas convaincu par l'histoire narrée dans cette drôle d'architecture en flashbacks. Il y a du bon malgré tout, dans des fulgurances certaines blagues rappellent la grande époque, surtout chez JC qui est ici le personnage phare il me semble.

Au tout début on se dit "Wah l'coup de vieux, dur". Mais au trot, plus qu'au galop, le naturel finit par revenir et c'est franchement surprenant. Certaines phases rappellent vraiment l'écriture de 2002/2003 et visuellement, décor et costumes sont très fidèles, nous replongent dans le passé efficacement.

Mais vraiment, heureusement que Fred et JC sont là pour les doses de fun et les situations tordues lors de ces flashbacks, car partout autour bon sang l'aigreur et la tristesse, c'est dur à digérer. Pour ma part j'avais aimé les deux films, je trouvais l'écriture relativement subtile, quand j'entendais Le Bolloch' expliquer que le côté sombre de ces récits, surtout du second, avait rebuté le public je ne comprenais pas vraiment. Les deux films sont très fun et avancent les sujets sociaux de façon quasi caricaturale dans le premier, avec parcimonie mais justesse dans le second, à mon goût. Voir Jean-Guy se briser à l'écoute de Jeanne se confiant sur les violences subies au domicile, et finir en larmes, touché par le témoignage de celle qui prend soin de lui chaque jour en espérant avoir ses mercredis, c'était quelque chose. Une fibre dramatique réelle, mais sans lourdeur. Vraiment, je ne trouvais pas les films si sombres, et je crois que ce comeback qui l'est profondément, par effet de contraste, réhabilitera sans doute les longs-métrages aux yeux de beaucoup de spectateurs.

Ici la concision n'est pas au service de l'éloquence. Oui il y a le plaisir nostalgique du fanboy, et c'est rondement bien mené car le coup de vieux n'est pas si choquant, pour vaincre le poids des années il fallait beaucoup de talent et de conviction. Gros respect à Gérard Chaillou (Jean-Guy) d'ailleurs qui à 77 ans fait toujours preuve d'un vrai sens du rythme et semble sans effort se glisser à nouveau dans la peau de cette enflure de DRH.

Ce n'est pas un mauvais projet, c'est juste triste, le ton est douloureux, beaucoup de sujets sociaux difficiles sont traités à grande vitesse, donnant le sentiment d'une accumulation de noirceur que les bonnes vannes saupoudrées ici ou là ne parviennent pas à équilibrer de façon satisfaisante. Le pot de départ, les discours de JC et Hervé nostalgiques et franchement aigris. Et apprendre à ce moment là que notre commercial préféré dort dans sa voiture... c'est le détail qui achève le moral. Le propos politique et social passe dans l'illustration d'un déclin violent, d'une détresse blessante.

Mention rapide et sans en dire trop : Vuvuzelove. Ce sketch est dingue. Je n'en reviens toujours pas. Voilà une évolution des rapports entre personnages à laquelle je ne m'attendais pas. J'ai presque hurlé. IN-CRO-YABLE. Vous verrez.

Caméra Café 20 ans déjà ce sera le 24 janvier sur M6 ; et c'est déjà sur SALTO !


MaJ : revu à la télévision lors de sa diffusion pour une grande soirée Caméra Café. Ca fait drôle de voir ces nouveaux sketches sur cet écran là du coup, le côté nostalgique était plus fort sur la télé que sur l'ordi. Je reste sur mes observations de la première fois, c'est vraiment triste à bien des égards. Mais bref, chapeau à l'équipe de Caméra Café et merci pour les bons souvenirs.


Une requête néanmoins : ce serait cool de rendre l'intégrale disponible dans une réédition dvd ou bluray, sur le même modèle que l'intégrale "machine à café", avec les deux films inclus ainsi que 20 ans déjà. Une méga édition anthologie un peu. Car jusqu'ici les intégrales trouvables en occaz' douillent vite et (avouons-le) sur la plateforme de streaming russe intouchable y'a pas assez de rips de dvds pour permettre de tout revoir. Mwarf.

A63N
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le 26 janv. 2023

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