Découvert en avant-première dans le cadre de l’Arras Film Festival, C’est tout pour moi est le premier film de l’humoriste belge Nawell Madani, révélée au grand public par son passage au Jamel Comedy Club. Cette dernière présente son bébé comme une fiction dynamique orchestrée par une troupe composée à 90% d’acteurs amateurs. A vrai dire, de par sa courte carrière cinématographique elle l’est tout autant et se présente avec ce film comme une débutante en la matière.


Le rythme est élancé et dès les premières minutes le ton est imposé avec des gags qui s’enchaînent et s’entremêlent à une voix off par forcément judicieuse. La première partie introductive se déroule dans une banlieue de Bruxelles dans les années 1980-1990 où la mixité enjolive l’univers morose de la misère sociale des quartiers défavorisés. Le personnage principal s’appelle Lila et on remarque très vite le penchant autobiographique de l’œuvre qui est pourtant négligé par l’actrice-réalisatrice elle-même. Lila se brûle au visage et au crâne étant petite et rêve de devenir danseuse professionnelle en découvrant très jeune la culture hip-hop, tout comme Nawell Madani. La passion du personnage principal pour la danse, cette relation à ses origines algérienne et au street-art sont d’autres éléments signes d’un fil conducteur autobiographique. Pourtant, en avant-première au Festival du Film d’Arras, Nawell Madani prétend avec véhémence que son film est une simple fiction


Plus tard, sur Paris, Lila fait face aux frustrations de sa passion et doit affronter le milieu vicieux et ardu du stand-up après un court passage par la case prison. Ce passage en prison, pur fruit de la fiction, est anecdotique et ne permet que de pouvoir introduire le personnage de Fabrice interprété par François Berléand. Le premier hic réside dans ce passage carcéral inopportun dans ce film qui prenait pourtant des tournants totalement autobiographiques avec un scénario soudé autour de l’axe de la relation père-fille. Pourtant beaucoup d’émotions se dégagent de ce lien, de cette tendresse paternelle mais il n’est pas exploité entièrement et le scénario se perd dans un mélodrame ronflant sur le drame de l’insertion. Seul lot de consolation, la prestation plus que correcte et sincère du futur ex acteur amateur Mimoun Benabderrahmane dans le rôle du père de l’héroïne.


La trentenaire belge maîtrise pourtant les techniques humoristiques populaires et a beaucoup de répondant, mais cela ne sauve pas l’égocentrisme affiché qui pollue tout le scénario. Pour ses premiers pas derrière la caméra, l’actrice-réalisatrice ose beaucoup de chose à l’instar des vannes parfois douteuses qu’elle balance sur scène. Par exemple, la bande originale rap très éclectique du film (on passe quand même de 365 jours d’Oxmo Puccino à Fianso). Le principal défaut de C’est tout pour moi reste son incapacité à nous convaincre sur son thème principal qui est la réussite. Lila ne part de rien dans la vie, aucune indication sur son niveau d’études, elle est incarcérée et elle se découvre un talent soudain pour l’art de la scène. Par la suite elle reçoit l’aide de Fabrice puis de son père pour enfin monter sur scène et interpréter son propre spectacle. Le film est alors une ode à la chance et non à la réussite personnelle. Pour en arriver à son objectif ultime, le personnage principal a dû s’appuyer sur un parcours pistonné et par conséquent l’idée que rien ne serait arrivé sans ces soutiens est sous-entendue.


Pour finir, de nombreux clichés étaient évitables dans l’écriture de ses personnages, personnages flirtant entre la réalité et la fiction. Lors de son avant-première à l’Arras Film Festival, la condescendance avec laquelle elle répondait aux gens était juste détestable. Les spectateurs qui lui posaient des questions étaient pourtant élogieux et n'avaient aucunes mauvaises intentions en s'adressant à Nawell Madani. Son film, pas folichon de base, n'en ressort que terni par son imbuvable personnage. Le ressenti global est celui d’un résultat aux allures factices provoquant les gags narcissiques gage d’une sincérité remaniée pour des raisons mercantiles.


PS: J'ajoute à mon tour, en plus des plusieurs témoignages présents sur SensCritique, mon commentaire pour dénoncer l'arnaque des faux comptes. A ce jour, ce film comporte 28 notes maximales (10/10) parmi lesquelles 95% de faux comptes créés juste pour cette occasion. La véritable note de ce film est donc moindre. A bon entendeur, salut.

baptistevanbalbergh
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le 30 nov. 2017

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