Britain In A Day par AntoineRA
Début 2011, sortait Life In A Day, un projet extravagant visant à concevoir un film uniquement à base de vidéos amateurs, mais une vraie réussite, autant sur le fond qui abordait des thèmes à la fois généraux et personnels touchant n'importe qui, que sur la forme, qui s'est révélée d'une beauté insoupçonnée. Réaliser un autre film sur le même principe à peine un an après peu sembler opportuniste, surtout qu'il s'agit cette fois de se concentrer sur un seul pays ; comptent-ils démarrer la plus grande série de films jamais réalisée en représentant tous les pays du monde ? Mystère... Ce qui rassure, toutefois, c'est de nouveau la présence de Ridley Scott pour chaperonner le projet.
La réalisation, néanmoins, diffère. Ce n'est plus un habitué des éloges et récompenses du grand écran, mais plutôt un réalisateur en provenance du milieu télévisuel, pour lequel il a déjà présenté plus d'une dizaine de documentaires. Et ça se ressent dans le style du film, qui a moins une portée artistique, mais lorgne davantage sur le côté intimiste avec toutes ces personnes partageant un instant de leur vie en cette journée de deuil et commémoration : le 12 novembre 2011, date du Remembrance Sunday, visant à célébrer l'implication du Royaume-Uni dans les Guerres Mondiales et conflits ultérieurs. C'est également une journée de football, Espagne-Angleterre, et Dieu sait que les Anglais sont de fervents adorateurs du ballon rond.
En prenant connaissance de ce nouveau film, je craignais d'avoir affaire à une pâle copie du précédent, que cette collection de clips apparaisse très réfléchie, et bien moins spontanée. Les contributeurs connaissant le principe auraient essayé à tout prix d'illustrer un évènement spécial, marquant, alors que ce genre d’œuvre brille plutôt par des faits ordinaires. Je m'étais trompé, les personnes qui ont participé à ce long-métrage ont très bien compris le principe, elles se sont entièrement livrées le plus banalement possible, leur parcours d'une journée, sans provoquer le destin. Même si certaines séquences semblent calculées, du genre d'évènement particulièrement prévu pour être filmés ce jour-là, l'ensemble garde une vraie authenticité et proximité intime avec ce peuple d'Outre-Manche. Parfois drôle, parfois dramatique, le film se montre troublant à mesure de son développement, à mesure que l'on partage le quotidien de ces gens, et ce sans jamais forcer la main du téléspectateur. Au final, ce ne sont que des témoignages, et l'on y voit bien ce que l'on souhait y voir.
Évidemment, la portée est toute autre. Le réalisateur n'est plus à vouloir représenter le monde, et ses différentes facettes. Là où Life In A Day cherchait à mettre en avant la ressemblance dans la diversité, Britain In A Day entreprends davantage le processus inverse, montrer la polyvalence qui peut prendre place au sein d'un même pays qui respire tout de même via des mouvements qui rassemblent, ou divisent. Et le fait que ça ne se passe pas à l'échelle mondiale renforce cette proximité établie avec ces personnes. On plonge ainsi dans un cheminement moins global, plus routinier. Se lever pour aller au travail, tandis que d'autres en reviennent, réaliser les petits rituels du matin, s'amuser. Un long-métrage si semblable au précédent sur la forme, mais tellement différent sur le fond. Le film de Morgan Matthews est le parfait exemple d'une inspiration réutilisée à bon escient, au point même de toucher autant, si ce n'est davantage que son prédécesseur.
On découvre ici une atmosphère plus mélancolique sur fond de tour d'horizon des catégories sociales, et leur approche du quotidien. Entre passions étonnantes et accomplissements d'une vie, occupations aussi étranges qu'uniques et solitude maladive, on (re)découvre un pays avec son ambiance particulière, typique même, où la nuit qui tombe montre un peuple plus actif que jamais. Un pays de contestation et également très croyant, très chrétien, où la religion a sans conteste une répercussion sur tout un chacun. Même si on sent que certains ont préparé leur journée avec soin, l'ensemble des points similaires au documentaire de Kevin Macdonald sont présentés différemment, que ce soit les loisirs, les amours, les peines, les peurs. Il y a un côté très The Tree Of Life dans la manière de présenter ces scènes de vie, aspect que l'on retrouvait déjà sur le précédent (bien qu'il soit sorti avant le film de Malick). Ici, il n'y a pas de thèmes définis dû aux questions auxquelles le précédent réalisateur voulait que les contributeurs répondent. Les passages s'enchaînent alors sans être dictés par un quelconque schéma, et trouvent leur sens d'eux-mêmes. Le plus touchant étant assurément de retrouver les même personnages, bien plus présents - et c'est logique - que dans le Life In A Day qui en avait un ou deux. À plusieurs reprises on suit donc leur cheminement à travers la journée, créant des liens d'attache avec leur présence continuelle, assez émouvante.
La portée du film doit beaucoup au travail de remarquable de Martin Phipps, qui s'est occupé de la bande musicale. Son apport jour vraiment un rôle primordial, exacerbant l'ensemble des émotions ressenties, et nous donnant encore plus l'impression d'être proches de ces personnes qu'on ne connaît pourtant que l'espace de quelques minutes. Ses orchestrations entre électronique et opératique sont prenantes, bien accordées au montage. Il s'en dégage une dimension dramatique, tout en ayant un sens de grandeur, d'émerveillement devant ces scènes quotidiennes ainsi sublimées. Il n'y a plus cette dynamique des bruitages caractéristiques du film précédent, mais plutôt des passages émouvants à grand renfort de cordes et piano, qui rappellent parfois la démesure confinée de The Tree Of Life. Malheureusement, cette bande-son est impossible à trouver indépendamment.
Si Life In A Day était une œuvre qui souhaitait faire hommage à la vie, représentant sa diversité, mais aussi sa forte parité entre les gens de partout dans le monde, Britain In A Day rend davantage hommage à quatre nations aussi unies que leur patronyme. Un Royaume-Uni construit d'une multitude d'existences et croyances, mais qui se rassemblent autour de même motifs. Toujours sur la base d'un documentaire uniquement crée de vidéos de contributeurs, Morgan Matthews parvient à renouveler ce projet fou en lui conférant une atmosphère différente, un déroulement autre, et captivant, davantage encore, son auditoire malgré la non-existence d'une histoire à proprement parler. Un documentaire vécu de l'intérieur, où nous est proposé ce que les gens pensent avoir de plus important à leurs yeux qui est, avant tout, une même pays, riche en identité.
À noter qu'un autre film dans le même registre a été réalisé : Japan In A Day. À l'instar de cette seconde œuvre, on devrait de nouveau être confronté à une approche différente puisqu'un thème bien précis a servi de fil conducteur, soit la journée du premier anniversaire du séisme et tsunami qui ont causé la catastrophe de Fukushima, et la façon dont les habitants survivent un an après.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.