Border
6.5
Border

Film de Ali Abbasi (2018)

Moi, ce que j'aime, c'est les monstres

Ce soir, Behind_the_Mask va vous parler d'un film whoua qu'il est trop bien.


Mais il est un peu em-bêté parce qu'il a conscience qu'il ne plaira sans doute pas à tous ses chers abonnés, tout comme il est gêné car l'analyser revient à vendre la mèche sur sa nature.


Behind va donc essayer de mettre l'eau à votre bouche sans aller trop loin.


Il vous dira donc tout d'abord que Border est un film assez rare de nos jours dans le genre fantastique, tant ce qu'il propose est autre et brille de l'éclat sombre d'une petite perle noire qui montera à coup sûr sur le podium des mentions spéciales à l'heure de dresser le bilan de l'année ciné 2019.


Parce ce que le masqué, tout d'abord, a retrouvé les motifs qui infusaient le merveilleux Morse, tout en se montrant beaucoup moins onirique et plus cru. Un peu normal, vu que c'est à la base un bouquin du même auteur, John Ajvide Lindqvist. Il y a retrouvé le goût du fantastique qui avance longtemps masqué dans un quotidien morose, brouillant la frontière de l'extra-ordinaire.


Parce qu'il a renoué, aussi, avec l'atmosphère de quelques-uns des meilleurs épisodes de la série X-Files : Aux Frontières du Réel, tant l'héroïne aurait pu ressortir de sa riche galerie de freaks of the week, tandis que l'enquête à laquelle elle prête ses talents se déroule.


Border abolit la frontière entre son monstre et la normalité en dépeignant une intégration atypique, en lui faisant revêtir un uniforme inattendu, tout en la représentant dans l'action à la manière d'un chien renifleur. Plus ou moins inconsciemment avilie.


Son visage massif aux traits durs et aux accents néandertaliens suffit à tracer la frontière avec la norme, tandis qu'une simple cicatrice suggère qu'elle aurait fait plusieurs pas en arrière sur le chemin de l'évolution. Alors, quand Tina rencontre son alter ego, l'instinct animal semble, pour la première fois, se libérer en totalité dans une attirance primitive et violente. Se reniflant, se tournant autour, se jaugeant pour finalement s'étreindre plus brutalement encore, elle embrasse enfin sa véritable condition. Moins hybride, plus viscérale.


Cette apparente régression ébranle nos certitudes en créant une certaine forme de malaise, comme si Tina et son double, Vore, ne faisaient peut être, dans un premier élan, que renvoyer une image déformée du genre humain. A moins que les monstres ne soient jamais ceux que l'on croit ?


Charnel, sensoriel, traversé de grognements qui auraient pu constituer à eux seuls la musique interne et intime de l'oeuvre, Border est un film courageux qui essaie de prendre son spectateur par la main pour l'emmener ailleurs, loin des lieux communs du fantastique moderne, de ses images aisément reconnaissables, voire rassurantes dans le ronron où le genre se plonge souvent.


De quoi grogner de plaisir, en tous cas, pour ceux qui feront l'effort de s'abandonner à son charme animal pour se laisser emporter.


Behind_the_Mask, ♫ Il en faut... Queue pour être heureux, vraiment très queue pour être heureux...♪

Behind_the_Mask
8
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le 10 janv. 2019

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Behind_the_Mask

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