Dans le Paris fou de 1928, la danseuse Ida Rubinstein approche Maurice Ravel pour lui commander un ballet. Figé par l’enjeu, le compositeur cherche en vain l’inspiration.
Le Boléro serait joué dans le monde toutes les 15 minutes. Alors qu’il en dure à peu près 16, cela signifierait que jamais il ne s’arrête. Les saynètes hétéroclites qui animent le générique démontre à quel point cette mélodie a dépassé les frontières temporelles et géographiques pour imprégner les esprits. Mais que sait-on de son auteur ? Anne Fontaine tente d’en percer le mystère ou de s’en rapprocher.
Fils de bonne famille, très attaché à sa mère, le jeune Ravel ne fait qu’échouer encore et encore au Prix de Rome, ses compositions étant certainement trop modernes pour les esgourdes grises des juges. Reconnu néanmoins dans les salons chics de la capitale, le voilà chargé par l’étoile de la Belle Epoque de lui remettre une partition aux effluves érotiques. De quoi décontenancer l’homme dont les amours paraissent indéfinies. Il forme un quatre mains chaste avec Misia Sert, femme éprise et mariée, et fait chanter les putains sans les déshabiller. Sa seule maîtresse est la musique, lui que la critique décrit comme un fin technicien bien incapable de susciter de l’émotion. Comme le film pour ainsi dire. Aussi, la séquence la plus sensuelle offerte s’avère l’enfilage d’un long gant rouge, malheureusement fracturée par un montage alterné. L’asexualité du personnage l’empêcherait ainsi de saisir la dimension charnelle de son œuvre la plus mémorable, au point de s’offusquer du spectacle sans équivoque donné par sa mécène. Pauvre Jeanne Balibar, plus ridicule qu’excitante en maquerelle sévillane entourée de ses boys.
Évitant heureusement une épiphanie créative, Anne Fontaine préfère se concentrer sur l’artiste au travail, hésitant devant sa page blanche. Le tic-tac du réveil, les cloches de l’église, un air populaire ou le bruit des machines sont autant d’éléments choisis qui construisent petit à petit le fameux thème répété. Dans le rôle de l’auteur, Raphaël Personnaz s’est investi corps et âme en apprenant le piano et à diriger un orchestre. Regard perçant et visage émacié suggèrent une étrangeté mêlant une rigueur inquiétante à l’enfance, jugée sérieuse ici. La fin de vie du personnage se prolonge, la réalisatrice s’enlisant petit à petit dans un biopic plus classique aux langueurs inutiles. Demeure le Boléro, pièce unique, envoûtante, foudroyante, éternelle. Après la fin, vient le recommencement.
(6/10)
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