Ce film de fond bien dans le décor de bêtise et d'esprit borné qu'il essaye de portraiturer. La bêtise des journalistes répond à celle des marchand.es. Comme dans un reportage idéologique débile on vous assomme de paroles et d'images totalement indistinctes. Les œuvres ne sont pas décrites, pensées, reliées à leur contexte de production et de diffusion.

L’indistinction est précisément le caractère d'une marchandise. Pour devenir marchandise, un objet doit pouvoir s'échanger et dès lors se comparer avec tous les autres. En devenant marchandise, tel tableau acquière une valeur, c'est à dire une quantité d'argent avec laquelle on peut l'acheter, qui le place au même niveau qu'un pot de moutarde ou un missile. La société marchande, où tout se marchande, s'échange, se quantifie en argent, rend par la même de nombreux objets indistincts. Ainsi dans le documentaire peut-on aligner un serra, un wahrol, un kusama, un mondrian. L'art n'est plus une question et ne pose plus de questions, il s'achète et le film qui croit critiquer l'art contemporain ne fait que reconduire cette approche en ne déployant aucune espèce de discours sur les œuvres ni même sur le marché de l'art.

Des banalités et des chiffres sont assénés par des gens qui ont toujours fait semblant de penser mais qui ne s'intéressent qu'à la fortune et la célébrité. Pas question d'interviewer des chercheureuses, des penseureuses, des historien.nes, ou des artistes intéressant.es. Pas question de creuser la genèse et le fonctionnement du marché. Des banalités "l'art a toujours été marchand, regardez les Médicis". Or précisément les Médicis c'est un des jalons spécifiques de la marchandisation, à la même époque l’Église ou les autorités politiques ne concevaient pas l'art comme activité marchande. Et l'autonomie de l'art, qui change la donne en extrayant l'art des autres activités, qui distingue activités esthétiques et productives, là où le Moyen Age occidental, le monde Africain ou amérindien ne les distinguaient pas ? Rien ou quasi.

Montage abrutissante, musique tout aussi indistincte, les inteviewé.es sont des anglo saxons où les traditions artistiques anti marchandes et anti institutionnelles sont réduites au silence ou récupérées. Toutes les conceptions réactionnaires de l'art sont reconduites : le génie, la fonction purement décorative de l'art, l'obsession de la valeur et du chef d'oeuvre.

L'art contemporain ne se réduit pas à hirst, koons et kapoor. Il y a des millions d'artistes. "Tous les humains sont des artistes", voilà une déclaration d'un artiste contemporain qui comme tant d'autres a poursuivi ses réflexions et ses recherches formelles dans un univers marchand. Les ultra riches qui sont le fléau de notre présent, qui détruisent absolument tout ce qui existe et propagent une manière de vivre qui ressemble à la mort attire peut être l'attention des abrutis qui ont fait ce film et d'autres personnes, pendant ce temps ça continue, pendant ce temps certain.es analysent et luttent contre le marché de l'art.

DaimyoNitsu
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le 24 sept. 2023

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