A Harbin (nord-est de la Chine) aujourd’hui, Xian, adolescente de 15 ans vit avec sa mère, médecin dans un hôpital. Pour raison professionnelle, la mère part pour l’été en Afrique et laisse Xian chez son père.


On se pose quelques questions qui n’ont qu’une importance relative, mais révélatrice de ce que montre et ne montre pas ce premier long métrage de la Chinoise Gěng Zi-Hán. Ainsi, le début passe rapidement sur la situation de Xian (Zhōu Měi-Jūn) avec sa mère (Jing Liang), dont on apprend plus tard qu’elle travaille beaucoup et ne parle jamais de sa vie personnelle. Xian est assez catastrophée de devoir passer l’été chez son père (Long Liang) qu’elle n’a pas revu depuis un bout de temps et donc sortir de sa zone de confort.


Mal dans sa peau et réservée, l’adolescente arbore sur son front des boutons issus d’une réaction allergique et elle n’apprécie pas trop les photos tendance glamour exposées dans le studio de son père. Alors, quand après avoir remarqué qu’elle a grandi, il l’appelle comme avant « La Pisseuse », l’agacement gagne l’adolescente.


Mais c’est très révélateur du caractère du père, photographe. Lui est du genre introverti, habitué à mettre à l’aise ses clients pour prendre des photos avec des poses naturelles. Et puis, quelle est la situation exacte entre les parents de Xian : sont-ils divorcés, séparés, depuis quand et pourquoi ?


Xian et Mingmei


Chez son père, Xian fait rapidement la connaissance de Mingmei (Ziqi Huang), jeune femme d’environ 22 ans, très sûre d’elle et du charme qu’elle exerce. En effet, elle fréquente un homme marié et elle sait qu’elle plaît. Même si elle considère qu’elle n’a que peu d’amis (suffisamment pour jouer à un jeu de cartes japonais désigné comme le Jeu des fleurs), elle côtoie quand même pas mal de monde. Suite à une altercation avec sa mère, Mingmei s’installe naturellement chez le père de Xian. Mais, qu’est-ce qui relie l’un à l’autre ? Faut-il la croire, quand Mingmei présente Xian à des amis comme étant sa petite sœur ? Ou bien lorsqu’elle confie à Xian que son père l’amuse et qu’elle aurait pu sortir avec lui s’il était plus jeune ? Parmi d’autres, ces détails émergent au fur et à mesure. La complicité entre Xian et Mingmei s’épanouit à force de situations vécues en commun et de confidences échangées (elles dorment dans la même chambre, sur un grand lit, Xian avec son ours en peluche). Bien évidemment, la jeune femme en mesure de faire des plans pour son avenir fascine l’adolescente timorée qui se cherche. Cela n’empêchera pas Xian de se révéler capable de coups d’éclats assez inattendus. La séduisante Mingmei est habituée à obtenir assez facilement ce qu’elle veut. Ainsi, elle peut gagner de l’argent en posant et elle est en passe de devenir hôtesse de l’air, ce qui devrait lui permettre d’économiser les 30 000 yuans nécessaires pour s’installer à son compte comme commerçante.


Quant à Xian, elle sent bien qu’elle ne dégage pas la séduction de son amie. Mais, sa fréquentation influe la jeune fille effacée et très sensible qui, de temps en temps, se laisse aller, au risque de choquer son entourage et même de perdre Mingmei. Ce qui rapproche Mingmei et Xian, c’est la façon dont les hommes cherchent à les conquérir, avec des cadeaux de valeur (présence du capitalisme en Chine et son influence matérialiste) et les étonnantes conséquences que cela entraîne. Ce sera d’ailleurs l’occasion pour Xian de révéler son caractère impulsif mais également calculateur, auprès de celui qui s’intéresse à elle. D’abord gênée, elle tente de profiter de la situation.


Bonne volonté et petits défauts


Un premier film avec les qualités (aspect esthétique réussi) et les défauts inhérents à ce genre. Parmi les détails qui font tiquer, le fait que visiblement Xian n’ait pas vu son père depuis longtemps quand elle vient s’installer chez lui, alors qu’il n’habite pas bien loin puisque la jeune fille n’a pas besoin de changer d’école. On constate aussi que certaines péripéties tombent comme un cheveu sur la soupe. Il manque le détail annonciateur pour éviter ces fausses ellipses (dont deux qui apportent des éléments essentiels), la réalisatrice privilégiant un minutage raisonnable (1h32). Autre point confus, Xian a beaucoup de temps libre (qu’elle passe donc essentiellement avec MingMei), mais on la voit à l’école où son père l’accompagne (excluant donc l’interprétation sous forme de flashback). Si le scénario (cosigné Gěng Zi-Hán et Liú Yi-Níng) manque un peu d’originalité et pêche sur quelques points de détail, il donne de l’épaisseur à la relation entre Xian et Mingmei dont les caractères se dévoilent progressivement. La réalisation est plutôt sobre, avec notamment des mouvements de caméras discrets qui mènent notre regard naturellement vers le détail voulu. Zijia Huang et Hank Lee signent une musique adaptée, à laquelle il faut ajouter les scènes de la chorale de l’école à laquelle Xian participe et une chanson sentimentale accompagnant le générique de fin. On note que le film ne comporte que peu d’extérieurs et donc de plans larges. On finit quand même par réaliser que le père habite dans un quartier particulier, son magasin situé sur une sorte de mezzanine d’un centre commercial. La fin est assez intéressante, car la mère de Xian rentre plus tôt que prévu… laissant la jeune fille à nouveau désemparée, avant une nouvelle surprise qui bouleverse la donne pour conclure. Au chapitre des petits questionnements, on remarque que les sous-titres utilisent deux couleurs, signalant deux langages dans les dialogues (le second étant le coréen, point que les chinois perçoivent mais qui ne fonctionne pas pour les spectateurs francophones). Un film présenté à la Quinzaine des cinéastes du festival de Cannes 2023.


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le 17 mars 2024

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