Ronde de sculptures féminines, fond noir de feutrine traînant sur le sol tapissé de miroirs. Chambre des glaces dans lesquelles se reflètent les formes ondulés des mannequins à longs cheveux cirants le sol. Appareil télescopant les corps, emprisonnant les futiles regards des déesses de pierres, photographe des éphémères gestes divins, assis devant son chevalet, peignant la sensualité picturale du Caravage; zoom avant sur ces êtres disloqués, fesses et poitrines en caméra plongée, visages décrêpits et violentés.
Dans le grand studio des tapisseries d'images fécondes, les cris du photographe raisonnent au contact du doux râle des pleures de Romy Schneider dans L'important c'est d'aimer de Zulawsky, le maître maltraite son actrice, qu'il souhaite marier à l'imagerie de sa réalisation personnelle. Scrutant par de nombreux mouvements de caméra(contre plongée, traveling avant, caméra épaule...), Antonioni dépeint une ville londonienne dans son plus grand charme, effaçant la présence d'une population, pour mieux mettre en valeur ces couleurs simplistes; traversant le rouge de la cabine téléphonique, pour atteindre le vert d'un jardin public.
Jonglant entre deux films, l'un éduquant et menant son spectateur dans une visite artistique hors norme, fait d'émergences antiques, comme l'entrée dans la boutique du broquanteur, d'où s'en suit l'achat d'une hélice, sur gros plan d'une statue grecque; l'autre film rappellerait le Fenêtre sur cours d'Hitchcock, jouant de son stress métaphysique, et de sa puissante mise en scène, où la découverte d'un corps ne serait qu'accesssoire aux propos du film. Mélangeant le thriller d'un film hollywoodien au spectacle de mimes felliniens. Sur crépitements de prises panoramiques, Blow up met en évidence la rareté de l'image, et l'unisson que celles-ci produisent, formant un tout, fabriquants d'elles même l'œuvre, où instaurant la mise en abîme funeste, le cinéaste italien isole, capture l'image, rendant au ciel bleuté son azur glorifié, s'invitant dans la fabrique du regard, sculptant à travers la peau blanchâtre du David, la naissance d'une œuvre bien épurée.