« Blindspotting » de Carlos Lopez Estrada – La chronique méchamment gentrifiée !

Très jolie surprise que ce « Blindspotting ». Pas étonnant qu’il ait remporté le Prix de la Critique début septembre au dernier Festival de Deauville.
Chronique douce-amère du racisme ordinaire, « Blindspotting » nous ouvre les yeux en grand et vient ravager les cœurs. Avec cependant une approche et un point de vue fort originaux.
Nos protagonistes vivent à Oakland (ville où fut fondée le Black Panther Party) et voit leur quartier de caillera se gentryfier insidieusement. Pour leur plus grand déplaisir. Bio, vegan, healthy même leur fast-food cradingue et leur boui-boui de quartier absorbent ces changements qui nient leur identité, leur crache à la figure. Avant l’exclusion se faisait sur la couleur de peau, dorénavant elle se fera par le fric.
Les dialogues souvent rappés font mouche, tantôt drôles, tantôt amères, ils ont l’efficacité de balles tirées à bout portant. Certaines scènes te prennent aux tripes, te les tordent menaçant tes glandes lacrymales alors que d’autres pleines d’énergie et de colère contenue te donnent envie de jumper sur ton siège.


Les personnages sont vraiment soignés et extrêmement bien incarnés, on le doit autant au talent d’écriture qu’à l’interprétation du duo acteurs qui incarnent avec viscéralité leur rôle. Daveed Diggs et Rafael Casal jouent respectivement Collin le black et Miles le blanc avec brio. S’ils sont tellement imprégnés de leurs personnages et de la ville d’Oakland, c’est qu’ils en ont écrit le scénario et qu’ils en sont originaires.
Cynique mais touchant, le film mélange scènes de contemplation d’un monde en mouvement et scènes d’exposition (d’explosions ?) de la vie quotidienne d’un lascar. En effet, la caméra de Carlos Lopez Estrada accompagne Collin dans ses derniers jours de liberté conditionnelle. Au moindre faux-pas il retournera en prison pour longtemps et c’est cette tension constante qui égrène ses journées et nos nerfs de spectateurs.


Tendre comme un chamallow dans son traitement mais violent dans son propos, « Blindspotting » traite aussi de l’acceptation de son identité. Qu’on soit blanc ou noir. Et met en exergue de manière saisissante la peur viscérale d’être noir dans une société ou l’être peut conduire à en mourir.
On ne peut s’empêcher de penser aux premiers films de Spike Lee tant la filiation est évidente. Avec un point de vue forcément plus contemporain. Le réalisateur cerne si bien son époque.


« Blindspotting » est la dernière bulle de fraîcheur d’un été qui vient de tirer sa révérence avant de nous laisser nous enfoncer dans un automne qui s’annonce sombre et glacée alors ne boudez pas votre plaisir.
https://cestcontagieux.com/2018/10/03/blindspotting-de-carlos-lopez-estrada-la-chronique-mechamment-gentrifiee/

David_Smadja
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le 3 oct. 2018

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