Commençons justement par rappeler à quel point "Blade Runner" est le symbole même du film au sens radicalement différent , selon que le dernier montage revienne aux producteurs ou au réalisateur.
De banale enquête policière futuriste au happy end forcé, il en devient un témoignage philosophique de la confusion grandissante entre humanité et eugénisme
Quoi qu'il en soit,l'influence de "Blade Runner" sur le genre entier de la science-fiction, est à rebours remarquable. Manifeste cyberpunk , réflexion sur le devenir de l'Homme, polar neo-noir aux accents cosmopolites, exercice de style quasi-publicitaire, traque pessimiste et organique. La manière d'aborder cette œuvre adaptée de Philip K.Dick est aussi multiple que déstabilisante.
S'il est vrai que Ridley Scott semble plus attaché à l'impact de son image,qu'au développement d'une véritable intrigue,il crée une atmosphère unique en soi pour l'époque. Mégalopole crasseuse, fusion de différents peuples pour un pot-pourri culturel. Pluie incessante, sous une nuit qui semble ne jamais finir. Appartements abandonnés d'où filtre une malaisante lumière bleutée...
C'est cette description d'un futur aussi sombre qui fait rentrer ce film au panthéon, avec cette quasi impossibilité de distinguer un humain d'un replicant. Les notions d'empathie chère à l'un et aucunement à l'autre sont subitement inversées. Tout se dérègle. Les souvenirs se brouillent. L'inspecteur Rick Deckart ne sait plus qui il est,ni ce qu'il doit faire.
Les compositions synthétiques de Vangelis finissent de rendre le tout irrespirable. Scott a réussi son pari. Au forceps,avec le temps,avec un héritage écrasant.