Il ne me restait que très peu de Verhoeven à voir et Black Book (son dernier film avant un très long moment) en faisait partie.
Le film est important pour plusieurs raisons dans la carrière de Paul Verhoeven : tout d'abord il s'agit du film qui marque son retour sur sa terre natale hollandaise, l'auteur n'ayant plus la liberté artistique désirée aux Etats-Unis. De plus, Black Book constitue le retour au genre du film de guerre et plus précisément de la Seconde Guerre Mondiale, et ceci près de 30 ans après Soldier of Orange, déjà tourné aux Pays-Bas.


Alors que Soldier of Orange se déroulait en majeure partie au tout début des affrontements, Paul Vehoeven choisit cette fois-ci de situer l'intrigue de son film à la fin du conflit, alors que la défaite allemande approche inexorablement.


L'histoire nous est racontée du point de vue de Rachel Stein (Carice van Houten), une jeune femme juive qui sera témoin du massacre de sa famille et de dizaines d'autres juifs par une patrouille nazie lors d'une tentative d'exfiltration. Seule survivante, elle change son nom en Ellis de Vries et rejoint la Résistance qui lui donne pour mission d'infiltrer la Gestapo.


La première chose qui frappe dans Black Book, c'est l'excellence de la reconstitution historique. Verhoeven soigne les détails (à l'image de son personnage principal qui va jusqu'à se teindre les poils pubiens afin de dissimuler au mieux sa véritable identité), que ce soit dans les costumes, dans les décors ou dans le langage, chaque personnage parlant sa langue d'origine, chose qui aurait été très difficile à réaliser aux Etats-Unis.
Rajoutez à ça une photographie sublime ainsi qu'une excellente BO et vous obtenez un vrai, un beau, un grand film de cinéma.


Les thématiques abordées sont en elles-mêmes purement verhoeveniennes, que ce soit le rapport à la double identité (thématique récurrente chez le Hollandais violent), à la violence et à la romance. Car tout le film c'est ça, un jeu sur les apparences et les faux-semblants : tout le monde se déguise, se fait passer pour quelqu'un qu'il n'est pas. Verhoeven a aussi l'intelligence d'éviter tout manichéisme en montrant que la Résistance a son lot de sacrés connards tandis que les nazis ne sont de loin pas tous des monstres.


Le film est d'une noirceur assez affolante et les multiples retournements de situations, s'ils peuvent paraître vulgaires à première vue, ne font que venir appuyer le propos, à savoir que personne n'est vraiment ce qu'il paraît être. L'ambiance pesante est renforcée par le fait que la mort peut survenir à tout instant, sans prévenir et Paul Verhoeven joue énormément là-dessus.
Le cinéaste évite parfaitement l'écueil du happy-end niais en présentant la libération comme le théâtre de la bassesse humaine avec humiliations publiques en tous genres.


Enfin, comment ne pas parler de Carice van Houten qui irradie l'écran, sublimée comme jamais par la caméra de Paul Verhoeven. Son aspect manipulatrice n'a rien à envier à une certaine Sharon Stone dans Basic Instinct ou Renée Soutendijk dans Spetters et Le Quatrième Homme (même si elle poursuit un but beaucoup plus noble bien évidemment). Et puis franchement, qui d'autre que Verhoeven aurait pu filmer une si belle romance entre une juive et un officier de la Gestapo ?


Black Book est un constat peu glorieux de la nature humaine et son incapacité à retenir les leçons du passé, telle une boucle impossible à briser, le dernier plan du film est d'ailleurs très équivoque...


Même si Black Book (tout comme ses films de sa première période hollandaise d'ailleurs) n'est pas le film du cinéaste le plus mis en avant, nul doute qu'il se place dans le haut du panier dans sa carrière tant il n'a rien à envier à ses films américains.
Le retour de Paul Verhoeven en Europe est donc un succès à tous les niveaux et Black Book un régal total à voir absolument !

nia_mor
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le 31 mai 2018

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nia_mor

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