Après Outrage, suite du cycle Lupino au cinoche du coin (séance agrémentée de la très chouette intervention de Yola Le Caïnec). C’est l’avant-dernier film de la très prolixe Lupino, 6 films en 4 ans.


L’histoire est celle, contée en flash-back, d’un type qui s’emmerde sec dans son mariage. Il convole avec une nana magnifique et brillante et ils décident d’adopter, faute de pouvoir procréer. S’en suit l’enquête des services sociaux qui se rendent vite compte que le gars, commercial de profession, a une deuxième vie ailleurs. C’est son explication de la chronologie des événements qui nous est donnée.


Là, comme ça, la messe est dite. Le type est un salaud. Ce film réalisé par une femme et donc féministe cloue au pilori les goujats, les couards du quotidiens, les misogynes de salons. Film à charge donc. Sauf que ce n’est pas si simple et cette lecture serait probablement un contre-sens. Un élément de contexte permet déjà de relativiser tout ça. Le film est écrit par un homme, Collier Young, l’ex de Lupino alors qu’elle est entre deux relations, alors que les liaisons se croisent avec Joan Fontaine, également actrice du film. Bref, un beau micmac sentimental en coulisse. En dehors de l’aspect Closer de tout ça, ça nous dit qu’il sera ici moins question de jugement que de portrait. Car Bigamie n’est pas un vaudeville ni un réquisitoire. Le film prend le temps de laisser la parole à ses personnages et de laisser le spectateur se confronter aux contradictions inconfortables. C’est surtout des parcours de tristesse que nous voyons là. Des êtres perdus rappelés à leur responsabilité individuelle. Le film suggère aussi que l’auto-flagellation et le sentiment de culpabilité n’apportent rien et qu’il convient probablement d’assumer les conséquences de ses actes en pareil circonstance. À la mise en scène, beaucoup de finesse. Des gros plans de toute beauté sur les visages (la lumière de celui de Joan Fontaine !), des transitions en douceur et une forme de suspens qui tient tout du long. Cette danse à trois, cette tendre confrontation oscille d’un pied à l’autre dans un rythme nonchalant et une fausse torpeur qui traduit la feinte tranquillité de ces personnages aux abois. Au final, une leçon de subtilité et un très bon moment qui se savoure comme quelque chose de précieux.

Konika0
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le 20 mars 2022

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