Ce film est le premier long métrage de Duane Hopkins, réalisateur britannique prometteur. D’abord par quelques belles images (paysages campagnards notamment), qui viennent contrebalancer la dureté du propos général, surtout par la volonté de filmer un groupe de personnages en les laissant vivre (BO assez discrète, des dialogues qui distillent des informations au compte-gouttes pour le spectateur)… ou mourir.


Nous sommes dans un coin perdu de la campagne britannique (Urberville ?) où la jeune Tess vient de succomber d’une overdose, vrai coup de massue pour tous ceux de sa génération. Geste désespéré ou issue prévisible ? On ne saura jamais vraiment. Une voix off annonce « … Elle se disait que la vraie vie c’était difficile, dans le meilleur des cas. Pourquoi pensait-elle que si elle tombait amoureuse, les choses s’arrangeraient ? » Des mots écrits par Tess ou bien les pensées de Gail qui doit s’occuper de sa grand-mère devenue très dépendante ? Peu importe, le réalisateur dresse le tableau d’une population où le mal de vivre est évident. Ici comme partout, les jeunes se cherchent, malheureusement on sent bien qu’ils n’ont pas grand-chose à quoi se raccrocher, sinon la recherche de sentiments. Le jeune Rob ne supporte pas la disparition de Tess qui était sa copine. Il en discute avec un copain, de nuit, en voiture. Impression de vitesse, mais ils connaissent probablement la route par cœur. Ce qui les angoisse, ce sont les conséquences de leurs faits et gestes, pas la peur de mourir au tournant.


Rob n’a pas eu le courage d’aller à l’enterrement. Il est juste venu observer la couronne à la mémoire de Tess laissée devant l’église pendant la cérémonie funèbre. Rob reconnaît qu’il s’est montré lâche et considère que cette faiblesse risque de le marquer à vie. Dans le groupe de la jeune génération auxquels le film s’attache, il y a également Rachel qui a toutes les peines du monde à se débarrasser d’un ancien copain désormais encombrant. Et puis, dans la génération des anciens, il y a une dispute au sein d’un couple. Là aussi, c’est difficile à encaisser.


Le réalisateur brosse un tableau étonnant où l’ambiance glauque et désespérée côtoie la beauté. Pas seulement la beauté de quelques images. Les protagonistes affichent un mal de vivre évident, comme s’ils sentaient leur avenir définitivement bouché (sauf peut-être pour celle qui revient par le train, non pour l’enterrement de Tess, mais pour voir son copain qui observe d’anciennes traces de piqûres sur son bras). Les visages sont fermés (souvent même renfrognés). Exemple frappant avec Gail la fille un peu boulotte peu gâtée par la nature. Son besoin de tendresse (de beauté ?) passe par les mots, la poésie, éventuellement par ces paysages naturellement beaux (mais les remarque-t-on encore quand on y vit ?) L’amour ? Pas pour Gail apparemment, de toute façon l’amour apporte la souffrance…


L’impression d’enfermement dans un milieu dont on sort difficilement est renforcée par de nombreux gros plans (sur une bague, un cou, une peau douce, un anneau sur une oreille, mais aussi sur une cuillère chauffée par la flamme d’un briquet, une aiguille qui cherche l’endroit habituel pour piquer). Plans rapprochés également sur tous ces visages butés où on sent l’incompréhension face à ce monde en vase clôt où aucun n’a demandé à vivre.


Duane Hopkins filme à sa façon l’absurdité de l’existence, sa brièveté, ses injustices, le besoin pour chacun d’obtenir quelques satisfactions avant la mort, inéluctable. Le film conserve sa part de mystère, c’est peut-être mieux ainsi, mais cela laisse malgré tout l’impression que le réalisateur laisse son spectateur extérieur à tout ce qu’il montre. Le scénario progresse par touches quasiment impressionnistes, sur un rythme lent, bien servi par un casting d’inconnus qui donne une vraie force au propos. Enfin, si certains personnages auraient mérité d’être davantage développés, la génération des parents n’apparaît quasiment pas.

Electron
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le 7 mai 2014

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