Une des politiques de la maison est d'aller voir tous les films en langue allemande qui sortent au cinéma. En hommage à mon choix de l'allemand comme LV1 au début de ce siècle et surtout parce que c'est encore le meilleur moyen pour moi aujourd'hui d'entendre un peu cette langue que j'aime tant. Avec cette politique, peu importe le film, peu importe le scénario, peu importe les acteurs, le réalisateur, j'y vais ! Et comme je le dis souvent, il en sort tellement peu que ce ne sont presque que des bons qui arrivent sur nos écrans. Berlin Alexanderplatz, du réalisateur germano afghan Burhan Qurbani ne déroge pas à la règle. Il s'agit d'une adaptation libre et transposée à notre époque du célèbre roman d'Alfred Döblin paru en 1929 et qui porte le même nom.


Le héros s'appelle toujours Franz (enfin Francis avant d'être rebaptisé), mais cette fois-ci, il s'agit d'un réfugié originaire de Guinée-Bissau. Après un voyage mouvementé en bateau jusqu'en Europe, dans une scène sublime au début du film, avec la caméra montrant les personnage la tête en bas, dans l'eau, éclairés aux fumigènes rouges. Une fois débarqué, il se promet de devenir un homme bon. Car pour survivre jusqu'à présent, il n'a jamais reculé devant rien. Même si on ne le voit pas au début, on comprend bien rapidement que Franz est un bad boy. Et tout l'enjeux du film sera de le voir maintenir l'équilibre entre le personnage lumineux et aimant qu'il est et le mauvais garçon qui réside au fond de lui.


La frontière entre le bien et le mal semble être aisée à tracer et pourtant (remarque judicieuse dans un dialogue au sujet des pays démocratiques qui vendent des armes aux dictatures), il n'y a parfois rien de plus difficile à déceler. C'est ainsi que le personnage de Reinhold, (fantastique Albrecht Schuch, qui donne une performance physique remarquable) agira comme un véritable Mephisto, en étant constamment une figure tentatrice pour nôtre pauvre Franz. En le poussant au crime, en l'incitant à coucher avec des femmes, en le droguant... Et pourtant, il se noue entre ces deux protagonistes une relation étrange.


Mais le fait de faire du personnage de Franz un réfugié permet de lui amener plus de profondeur, en axant l'objectif de ses méfaits sur la survie plus que sur la vanité ou le goût de l'argent. Welket Bungué livre ici une performance pleine de nuances et de force. Et sa relation avec Mieze fonctionne parfaitement à l'écran (superbe Jella Haase également à la voix off).


Le film durant trois heures, le rythme est assez lent et permet de présenter tous les personnages de façon satisfaisante. Chaque nœud de l'histoire étant amené avec soin (les fameuses chutes de Franz annoncées par la voix off, la séparation en cinq parties). Ce qui fait que ce film se distingue du Rise and Fall traditionnel en partageant les enjeux, et le poids de l'intrigue sur différents personnages forts. Et avec ce rythme lent, l'émotion a le temps d'infuser.


Enfin, l'esthétisme de la photographie est un grand point fort. Cette nuit berlinoise montrée dans toutes ses couleurs, de la plus lumineuse à la plus sombre. Le soin apporté à chaque plan. Le montage qui malgré les trois heures de film, ne se lézarde pas.


Drame aux dimensions larges, digne de Shakespeare, Berlin Alexanderplatz a tout pour lui pour ne pas laisser indifférent, et nous questionner sur nos valeurs morales.

Andika
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le 13 août 2021

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Andika

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