J'ai beau avoir vu des millions (ou un peu moins...) de films, je ne me suis toujours pas attaqué à Ingmar Bergman, car je trouve que c'est un cinéaste intimidant, tellement immense en quantité, et avec des thèmes si adultes, que dans mes jeunes années de cinéphilie, j'avais peur de trouver ça chiant.
C'est purement subjectif, j'ai vu quelques films que j'ai appréciés comme Le septième sceau ou Monika, mais c'est une goutte d'eau comparé à ce que je dois voir.
Et puis en 2018-2019, ça commence à changer ; la vie d'abord, qui fait que les thèmes de Bergman peuvent davantage me parler à l'approche de la quarantaine, le centenaire de sa naissance, avec des tas de ressorties en salles et en vidéo, et la sortie de ce documentaire-fleuve, édité en deux versions ; deux heures pour le cinéma et quatre heures pour la télévision, et j'ai vu cette dernière.

Ce documentaire a comme base de départ l'année 1957, qui fut un pivot dans la vie et la carrière du réalisateur suédois Ingmar Bergman, où il réalisa deux films, un téléfilm, mettait en scène quatre pièces de théatre, et jonglait entre son épouse et ses maitresses ; une sacrée suractivité.
La version télévisée se découpe en quatre chapitres ; 1957, la vie de Bergman, sa carrière, et la fin de celle-ci de 1984 à 2003, où il fut à lui seul LE cinéma suédois.
Parfois, il vaut mieux apprécier les artistes pour ce qu'ils produisent, et non ce qu'ils sont, et Bergman fut de ceux-là ; colérique, manipulateur, menteur, volage, allant jusqu'à oublier les dates de naissance de ses enfants, jaloux, il n'avait pas l'air d'être facile à vivre. D'ailleurs, le documentaire donne plus l'impression qu'il aimait le théatre, sur lequel il reviendra toujours, plutôt que le cinéma.
C'était quelqu'un d'hypocondriaque, qui ne voyageait presque pas, sans aucun ami, et dont la seule manie fut celle de manger sans arrêt des yaourts accompagnés d'une marque de biscuits bien spécifique.

Bien entendu, tout part de l'enfance, et c'est très bien expliqué dans le documentaire, car une de ses grandes forces est son très impressionnant stock d'archives, aussi bien des tournages, que de nombreuses interviews de Bergman tout au long de sa vie, ainsi que de multiples collaborateurs au cinéma et au théatre. On trouve même un entretien de son frère ainé, jamais diffusé avant ce documentaire, car Bergman en avait interdit sa diffusion, et il y a de quoi, car il y avait de la haine entre les deux, l'un accusant l'autre de s'approprier ses souvenirs d'enfance dans son autobiographie Laterna Magica.

Parler du personnage Bergman est très intéressant, car il distille de sa personnalité dans ses films ; la peur de la mort dans Le septième sceau, ses souvenirs d'enfance dans Fanny et Alexandre... et une compréhension extraordinaire de l'être humain, en particulier des femmes. Il est vrai que certains extraits, comme Persona ou Cris et chuchotements donnent très envie de par la composition des cadrages, du jeu des acteurs qui donnent beaucoup de véracité.
Comme je disais plus tôt, Ingmar Bergman va très vite avoir du succès au sein du cinéma suédois, dès Monika, et ça va être de plus en plus important jusqu'aux multiples prix, des Oscars, Lion d'Or, Ours d'Or, jusqu'à la Palme des Palmes au Festival de Cannes 1997. Il va représenter à lui seul ce qu'est le cinéma de son pays, qui va commencer à s'exporter, jusqu'au scandale fiscal de 1976 où il va s'exiler durant plusieurs années en Allemagne, et va en impacter la Suède.
L'influence de Bergman sur son pays va être considérable, faisant la pluie et le beau temps sur les films d'autres réalisateurs, produisant quelques-uns d'entre eux, faisant interdire certains de ses œuvres dites ratées, et même écrire quelques films réalisés par d'autres (dont trois films sur ses parents, Les meilleures intentions ayant eu la Palme d'Or à Cannes en 1992).
C'était un trésor national, qui va même provoquer par deux fois l'évènement dans la Suède avec la version télévisée de Scènes de la vie conjugale, et Fanny & Alexandre,qui sera son dernier film au cinéma. La fin de sa carrière sera consacrée au théatre ainsi que des téléfilms, dont Saraband, finalement sorti en salles en 2003.

A travers les témoignages de plusieurs de ses collaborateurs, on sent l'immense respect pour l'artiste, qui a su aller au bout de ses idées, scruter l'âme humaine, tout en ayant des réserves sur l'homme. D'ailleurs, on voit des extraits de tournage où il passe tantôt au rire, tantôt à la colère, mais c'est quelqu'un de très sûr de lui sur un plateau.
Pour ceux qui comme moi sont effrayés à l'idée de découvrir le cinéma de Bergman ; je ne peux que recommander ce documentaire très riche, sans langue de bois, très complet sur son cinéma et le personnage, où les acteurs ont l'air remarquables.

Boubakar
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le 23 oct. 2019

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