Benedetta arrive, Benedetta revient parmi les siens...

Si Paul Verhoeven n'a pas pu donner sa vision de Jésus de Nazareth (au cinéma du moins), le succès d'Elle (2016) lui a permis de s'attaquer à un phénomène religieux lié au Christ : Benedetta Carlini. En effet, cette dernière se considérait comme la femme du Christ avec les stigmates qui vont avec et des visions du charpentier. Jean-Claude Carrière collabore dans un premier temps avec Verhoeven, avant que son fidèle scénariste Gerard Soeteman ne lui succède. Il quitte finalement le projet car le Hollandais Violent voulait non seulement évoquer le contexte politique, mais aussi l'aspect sexuel puisque Benedetta était également connue pour avoir eu des relations sexuelles avec des novices. Le scénariste d'Elle David Birke se rajoute donc à la fête.


L'ironie veut que cet aspect ne soit pas si présent que ça dans le film. En effet, l'aspect purement lesbien apparaît assez tard dans le métrage (le film jouant davantage sur la nudité) et se résume à des scènes certes fortement érotiques, mais pas si sulfureuses. Donc les spectateurs s'attendant à voir du sexe à foison risquent d'être surpris.


En revanche, Benedetta se révèle moins léger dans sa vision de l'Eglise et dézingue tout le monde, de son héroïne aux nonnes, en passant par les hommes d'Eglise. Le cas Benedetta est mystérieux et Verhoeven s'amuse de son ambiguïté. On voit par moments qu'elle est en pleine transe dans des rêves à la limite du kitsch (Jesus n'est pas un doux prince) et d'autres où elle semble jouer de certaines situations pour arriver à ses fins. C'est d'ailleurs ce que dit Charlotte Rampling, ne savant pas quoi penser de son abbesse pas loin de la folie furieuse. Rampling a d'ailleurs un personnage assez fascinant, peut-être plus que Benedetta. Une mère supérieure pas dupe, elle aussi fortement ambitieuse et dont la lâcheté comme l'avidité l'amèneront à sa perte.


Il en est de même de Soeur Christina, la seule à réellement remettre en question Benedetta. L'unique face à un Clergé ne voulant rien voir, se contentant du prestige de la situation (les miracles attirent les foules et donc les fidèles et évitent de parler du reste). La chute n'en sera que plus vertigineuse, comme celle du nonce joué par Lambert Wilson, homme dont les excès l'amèneront à un déferlement délirant de souffrances. Des êtres se pensant au dessus de tout, y compris de l'une des maladies les plus ravageuses de tous les temps. Verhoeven fait là une passerelle avec La chair et le sang (1985), film où il traitait de la peste à travers la populace et dont un des rêves de Benedetta fait directement écho au viol de Jennifer Jason Leigh. La version religieuse n'est pas plus joyeuse et montre bien que n'importe qui pouvait être touché. Sans compter le système de dot instauré pour les nonnes entrantes par le Clergé, amenant à une certaine "commercialisation" de sa partie féminine.


Si Virginie Efira est particulièrement géniale, semblant souvent habitée par son personnage, Rampling signe là une de ses meilleures performances récentes quand Louise Chevillotte est une belle révélation. Benedetta n'est peut-être pas un des films les plus ravageurs de son réalisateur (Elle était beaucoup plus poil à gratter et ne parlons pas de certains opus hollandais et américains), mais il est très intéressant sur ce qu'il montre de l'Eglise et de son époque ; et le portrait de son héroïne est suffisamment croustillant pour s'interroger.

Borat8
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le 3 août 2021

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