Below Sea Level
7.9
Below Sea Level

Documentaire de Gianfranco Rosi (2008)

L'art de rendre naturel l'anticonformisme !!!

Jamais la marginalité, n'avait été aussi bien filmée. Le réalisateur parvient à nous faire comprendre, ce qui nous paraît au préalable inconcevable, ne pas aller vivre à LA et rester dans un désert ... Gianfranco Rosi a également beaucoup de mérite, car de nos jours peu de personnes auraient accepté de suivre cet autre univers rempli de marginaux, pendant près de 3 ans !!! Cela relève à la fois de la passion, de la frénésie (le petit côté italien), et d'une certaine étude philosophique de ce qu'il nous manque peut-être. Selon moi, le réalisateur est un réel artiste "anthropologique", puisque l'auteur cherche pertinemment à retranscrire la philosophie de ce monde volontairement marginalisé et jusqu'au-boutiste.

Il arrive notamment dans une première partie à nous faire presque regretter d'être dans notre société actuelle, on finit par se dire "Mais pourquoi, moi j'irais dans ce monde de requins". Même si bien entendu on reste surtout admiratif de ce mode de vie, et l'on a nullement envie de partager leurs quotidiens. Cependant, l'idée n'est pas là, l'essence même de ce film est de comprendre ce que nous ne comprenons plus. Cette incompréhension collective ne peut être élucidée seulement par le biais d'une certaine DISTANCE FACE AUX REALITES, d'où l'intérêt d'avoir pris la peine de passer trois ans en compagnie de ces marginaux pour mieux retranscrire leur vision des choses.

Ce propos, me donne l'occasion d'également justifier ma note de 8, j'ai beaucoup apprécier ce documentaire puisque il diffère vraiment de toutes les autres œuvres où l'on filme un monde marginalisé d'un point de vue omniscient, sans jamais chercher à aller plus loin, juste des images ternes sans réelles profondeurs, où au mieux on peut finir choquer. Mais celui-ci est bien différent, on sent une réelle recherche de se distinguer des documentaires similaires, la forme est sans doute moins prenante, mais le fil conducteur et la réelle qualité de cette oeuvre reposent sur le fonds du film. Ainsi, plus ce long métrage avance, plus l'on est pressés d'en découvrir plus sur ce monde pour notamment d'une certaine façon en APPRENDRE SUR NOUS-MEMES. Pour ma part, si ce film avait duré 4h00 je m'en serais parfaitement satisfait, mais le résultat n'aurait sans doute pas été le même car il est presque impossible dans un documentaire aussi réaliste de garder une telle intensité avec une telle longueur.

Continuons, sur cette première partie vraiment agréable voire joviale, puisqu'on distingue en effet un naturel déconcertant "des acteurs de leur vie". On pourrait ainsi dire, qu'être CONFORME nous force à adopter un comportement qui peut aller AU-DELA DE NOTRE PROPRE INTERIEUR. Alors qu'être ANTICONFORMISTE c'est en quelque sorte de ce que l'on peut comprendre au travers de cette oeuvre RETROUVER SON "ETRE INITIAL". En effet, on a réellement envie de se décomplexer ( à l'image du personnage principal se prélassant dans son hamac) en visionnant une telle oeuvre d'éventuelles "peurs" qui nous empêcheraient d'avancer. On pourrait même dire qu'il y a une certaine vertu thérapeutique (mon dieu où est-ce qu'il va chercher une connerie pareille, ça l'a un peu trop chambouler ce documentaire).

On peut aussi interpréter cette partie comme un monde, où L'EXTERIORISATION N'EST PLUS TABOU puisque l'on distingue une exhibition voire une caricature de nos vies qui fait que l'extériorisation vient d'elle-même et que les préjugés seront inexistants. (Un point positif de plus pour ce monde, pourquoi pas s'y installer). On finit même par ne plus être choqué par la laideur de "l'actrice principale", on finit de plus en plus par la prendre pour la top lady de ce village ...

Maintenant je vais mettre deux phrases en anglais qui illustrent bien aussi cette philosophie de la première partie (et ça fait tellement bien de montrer, tu vois j'ai retenu des phrases en anglais mais je vais pas les traduire en français ...) « I love being away from everything » & « My aim is to avoid California for my entire life, I prefer being at the middle of nowhere, IT IS LESS TOUGH »

Enfin pour conclure, sur cette première partie, j'ai énormément apprécié également de pouvoir effectuer un parallèle avec VOL AU-DESSUS D'UN NIDS DE COUCOU. Ces fameux patients qui ont le choix de partir mais qui restent pour la plupart pour éviter la réalité. En quelque sorte, on pourrait dire que nos marginaux sont des anciens patients de l’hôpital psychiatrique ... A quoi bon, affronter la réalité quand celle-ci nous dépasse et paraît incontrôlable.


ENSUITE, LA 2ème PARTIE : L'anticonformisme, la réalité reprend le dessus sur ce sentiment idyllique ...

Avant d'évoquer cette deuxième partie, je souhaiterais évoquer le changement assez habile du réalisateur de personnages qui sont mis en premier plan. Il décide notamment pour rendre l'oeuvre plus tragique, d'une certaine manière pour contrecarrer le déroulement de "cette vie en rose", de mettre plus en avant celui que l'on appellera "le toxico" (ou encore le Conséquent ...) comme acteur majeur et représentant officielle de cette philosophie.

On prend notamment un énorme choc dans la scène d'ébat qui est tellement osée et superbement tournée. Ainsi, une CERTAINE FATALITE finit peu à peu par s'installer et l'on revient en quelque sorte sur terre.
En effet, plus le film explore ce COTE LUGUBRE plus l'on a du mal à discerner cette spiritualité qui faisait la force de la première partie. On finit par ressentir de la tristesse, voire un réel dégoût concernant certains personnages.
Je ne vais pas m'éterniser sur cette deuxième partie, tant j'ai été littéralement séduit par cette première partie. Mais le réalisateur, a réellement sélectionné les meilleurs passages pour dresser un tableau parfait de la situation à la fois extrêmement SEDUISANTE en termes de liberté individuelle et à la fois tellement CRUELLE en ce qui concerne la prise de conscience de la la réalité qui est finalement une étape obligatoire.

Pour conclure, je conseille vraiment cette oeuvre REALISTE à tous les amateurs de documentaire, cette représentation est très riche et remplie de bonnes vertus. C'est un documentaire finalement bien que très idéaliste, dans l'ensemble assez optimiste. A l'image du moment, où au sein de la voiture où plus rien ne fonctionne mais la voiture roule tout de même, ce passage est assez révélateur des nombreux éléments volontairement absents de ce monde de marginaux, mais l'essence même de ce peuple réside en la croyance de sa philosophie pour tenter de s'échapper de la réalité qu'ils avaient dû faire face auparavant.
En visionnant ce documentaire, on se prend également une VERITABLE CLAQUE, sur notre façon d'agir dans notre société 2015.0, à tel point que je ne trouverais pas gênant de communiquer un jour avec ce type de personnalités atypiques, qui au préalable me paraissaient réellement repoussantes.

Enfin, je trouve que ce documentaire a remporté le prix qu'il méritait vraiment en 2009, "Le cinéma du réel".


* https://www.youtube.com/watch?v=QPjvDCpb-IQ

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le 5 janv. 2015

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