Et y en a qui osent dire qu'ils n'ont plus d'idées, à Hollywood ! Après l'attraction Disneyland et les robots en plastique, voici venir le jeu de société. Touché, coulé pour être précis. Tu le sens le potentiel cinématographique du truc ? Non ? Normal, tu bosses pas à Hollywood, t'as pas le talent ni le portefeuille. Eux, oui. Et les couilles. Enfin, vite fait, celles qu'on exhibe sans les sortir du treillis. Mais on les sent peser, là est l'astuce.


"Bon sang mais c'est bien sûr !", s'écrie le stagiaire bondissant des latrines et déboulant en plein brainstorming, le short sur les chevilles et le pouce levé. On le lui a assez répété : la chance sourit aux audacieux. "Il faut adapter La Bataille navale !". Personne n'y avait pensé, c'est donc forcément génial. Silence dans le bureau ovale d'Hasbro. "Why not ?", lance l'un des cerveaux du directoire. Les autres acquiescent, faut d'avoir mieux à proposer.


Content, notre stagiaire est tout ragaillardi. Il n'a rien signé mais il touchera un pourcentage sur recettes, comme le lui a expliqué le père du cousin de la soeur de la mère de la tante de son meilleur ami, qui lui a obtenu le stage. Sa carrière est lancée. Ni une ni deux, il monte en grade et peut bosser à même le plateau. Exclu des réunions de production, il n'a rien su du projet avant de faire ses premiers pas sur le set. Et surtout pas le budget, qu'il imagine assez hasbronomique (tu l'avais jamais faite celle-là @Gothic, hein ? Si ? Fuck...).


Faut dire qu'ils y sont pas allé de main morte, les patrons : 200 millions de dollars, il fallait bien ça pour transformer quelques bouts de plastique en film digne de ce nom. Il va être colossal, son pourcentage. Apportant les cafés, déblayant ce qui traîne, le petit donne tout pour en être. A deux pas de la gloire. Même James Cameron a pas commencé si fort quand il courait sur les plateaux des prod' Roger Corman.


Battleship sort en salles début 2012. C'est un four. Peu après, le John Carter de Disney subira le même sort. Les deux films sont interprétés par Taylor Kitsch, dont les parents ont sans doute autant d'humour que ceux de notre Mégane Renault nationale. Mais ça, je n'y pensais pas quand je suis parti voir Battleship. J'y suis allé pour me vider gentiment la tête entre deux journées passées à réviser des exams. Il était 22h, c'était même en VO, je m'en souviens.


Dès le début, j'ai le nez qui saigne, les dents qui se tordent et un sourire de demeuré qui me mange le visage : 20mn de film et c'est déjà parti pour être le Citizen Kane du film con. La musique et les bruitages métalliques m'arrachaient les oreilles. Les sièges vibraient tellement que ça a dû coller une érection à tous les mecs de la salle. 130mn de gaule solitaire, je t'explique pas la tension. Mais au bout d'un moment tu la sens plus parce que Battleship, c'est un film sportif : j'ai fait plus d'abdos en 2h de rigolade qu'en quatre ans de collège. Si j'avais été seul dans la salle, je serais passé pour un fou. Les mecs de la sécurité en auraient fait une de leurs vidéos collector.


Mais il y avait du monde, et un boucan d'enfer. J'y suis allé seul, j'en suis ressorti encore plus seul. J'y repensais sur le chemin du retour. Tout qui explose. TOUT. Moi qui m'ennuie devant les Transformers, j'y croyais pas de m'être à ce point éclaté. Sans doute le côté premier degré de l'entreprise, l'absence de gamineries, l'envie de fédérer le pays face à l'adversaire. Pas de gentils robots colorés ici, tous des bâtards de guerriers qui foncent dans le tas dès qu'on les menace. Ce qu'ils fichent sur Terre ? Ils sont venus passer un coup de fil depuis une antenne. Véridique. A un moment, tu crois à une blague. T'attends la chute. Elle ne vient jamais. Et tu te marres encore plus.


Puis il y a les regards pénétrés de Liam Neeson, jamais très loin de dialogues sortis d'une campagne de recrutement (Taylor qui explique quels bateaux ont la plus grosse à un gamin émerveillé, c'est sublime). Et aussi les robots géants extraterrestres qui défoncent des immeubles, un black amputé des deux jambes qui se bat contre un alien avec ses prothèses, un hallucinant naufrage en plan-séquence, Rihanna qui s'emmerde, une B.O. à te faire passer l'intégrale de Call of Duty pour un single de Sigur Rós...


Et du bruit, du bruit, toujours plus et toujours plus vite. Battleship ne s'arrête jamais, sauf pour pour des intermèdes terrestres qui laissent de côté les explosions marines sans pour autant voler plus haut. Le stagiaire ne s'en est pas remis que son film n'ait pas marché. Depuis, c'est lui qui doit de la thune au studio. Dès qu'il tombe sur un jeu de société, il panique, se plie en deux dans un coin et murmure "Je ne suis pas solvable...je ne suis pas solvable...". Il a voulu s'engager depuis, mais on lui a refusé le treillis pour cause d'outrage à la nation.


Il ne le comprendra jamais car il ne l'a pas fait exprès mais dans son genre, Battleship, c'est un chef-d'oeuvre.

Fritz_the_Cat
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le 1 mai 2014

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Fritz_the_Cat

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