Ah les jolies colonies de vacances, merci maman, merci papa !

Ah ! La loi BR. Ça c’est une loi qui a de la gueule. Gore un peu comme loi, et c’est pour ça qu’on l’aime. High concept un peu hardcore. Fallait être japonais pour arriver à y penser, et être assez barré pour y aboutir tout court. C’était invendable, d’où le succès. C’est tout de suite devenu un classique, alors que ça aurait dû rester un film de série B très borderline, un peu fou, un pari risqué. Le scénario ? Y’a pas. C’est un jeu BR, pas besoin de scénario. Une classe d’élèves indisciplinée est choisit au hasard, est enlevée. Le bus qui les emmène sur la route des vacances détourné, et la classe laissée seule sur une île déserte pour profiter des vacances d’été. Non. Non. Plus drôle. Ils ont comme consigne de tous s’entretuer vite fait. (?!) Vous avez bien lu. Le plus fort s’en sortira. Les colonies de vacances et tout ça c’est finit. Il doit n’en rester qu’un (ou une) à la fin du jeu, c’est la loi.
On ne peut pas faire plus simple. Le prof principal c’est un gros malade, (Takeshi Kitano). Aïe ! Il est froid et implacable tel un monstre, froid. Tant pis. L’opération elle est chapotée par l’armée qui arrange toute la logistique. Il paraît que les parents sont au courant, et ont accordés leur permission. J’ai des doutes, mais bon… Et c’est très bien pensé ma foi. Chaque élève a doit à un paquetage de survie avec le minimum vital. Une bouteille d’eau, une boussole, quelques barres de céréales, une carte de l’île, et une arme par personne. Là où ça devient franchement tragicomique c’est quand chacun ouvre son sac. C’est la surprise du chef, tu peux tomber sur n’importe quoi. C’est le tirage au sort. Autant en rire. Fumiyo Fujiyoshi ou fille n°18 : « Ton arme c’est quoi, toi ? » demanda-t-elle a sa copine la fille numéro 13. Réponse : « Un couteau à cran d’arrêt. Pourquoi ? »
« Ben moi j’ai eut doit à un masque FFP2. C’est bête, hein ? euh… Pourquoi tu me regardes comme ça ? Attend. Pourquoi? Nooon.»
GAME OVER.
Beaucoup ont posés cette question avant de mourir dans Battle Royale. Pourquoi ? C’est un plan philosophique Battle royale. BR c’est le jeu de la vie. Le but c’est de survivre. Et ceux qui n’ont pas eut toutes les chances au départ pourront toujours piquer les armes des copains mieux lotis qu’eux par ruse, tromperie, opportunisme, etc. C’est un peu comme dans la « vraie » vie en somme. Certains seront baisés dès le départ dans la vie, d’autres avantagés par la naissance, la position sociale, les relations, la famille, dans BR comme ailleurs il ne fait bon être seul.
Bon, place au jeu. Petit détail qui a son importance, chaque « candidat » a un collier de chien inviolable autour du cou, qui permet de le localiser par GPS. Impossible de se cacher ou fuir. Jeu. Il faut vite se trouver des alliés pour ne pas mourir vite de façon assez sale dans BR. Avis aux amateurs. Comme dans tout bon jeu vidéo, les noms de ceux qui sont tombés défileront à l’écran tel le compte à rebours car rebours il y a. Pour corser les débats et éviter toute tentative réflexion sur ce qui est en train de leur arriver, la bande de jeunes aura peu de temps. 3 jours pour s’entretuer, pas un jour de plus. Vite. Vite. Sinon les colliers de chien vont tous exploser en même temps et : BOUM ! Pas de gagnants. Mais c’est pas le but du jeu, n’est-ce pas ? Le but c’est de survivre, donc allez ! Le gars qui a pitché ce film c’est un génie.
J’ai adoré BR dès le premier jour. Culte. C’est la métaphore de la vie vu au travers du média artistique préféré du 20eme siècle, le cinéma, lui-même supplanté par son avatar, la télé, elle-même supplantée par le jeu vidéo. BR c’est un jeu vidéo grandeur nature. Les Chasses du comte Zaroff revu et corrigé, sauf que dans BR il n’y a plus d’homme à sacrifier. Qu’à cela ne tienne on va faire ça avec ce qui reste. Les petits d’hommes qui ne respectent plus rien. Ni l’autorité, ni les adultes, ni la société, gâtés pourris par la TV et l’oisiveté. Ça part d’une bonne intention cette loi BR. Et qu’elle gifle !
La société japonaise vue à travers ce prisme déformant. Une société à la dérive. Une société prête à sacrifier ses enfants est-elle digne de respect ? Une société avec un taux de suicide aussi important est-elle sérieuse ? Pression, embrigadement, harcèlement au boulot, culture du résultat avant tout, tout cela au nom de la « performance ». Le Japon a longtemps été la deuxième puissance économique mondiale, au pas cadencé, marche ou crêve.
Mais tout passe mieux avec une valse de Strauss n’est-ce pas ? La Bande son de BR est aussi racoleuse que le propos misanthrope. Auf Dem Wasser Zu Singen (sur l’eau) de Frantz Schubert qui passe par intermittence aux moments clés du film. Très beau, et mélancolique. Parfait pour l’occasion, le score est très riche dans BR, très agréable. Les jeunes acteurs sont terribles de « naturel », à croire qu’on adore s’entretuer à cet âge là. J’ai adoré BR, je l’ai déjà dit. Et je l’ai fait découvrir à mon pote Michal à l’époque. Et je lui avait posé la question qui fâche en plein jeu.
Question : « T’aurais fait quoi, toi ? Tu te serais suicidé ?
Réponse : « Ça va pas non ? J’aurais tué tout le monde, oui. Chut ! Je suis entrain de regarder. » Il n’était pas chaud au départ pour voir ce « truc » japonais, mais un quart d’heure plus tard il était embarqué lui aussi dans le bus en direction de l’île du diable, (je ne sais même pas comment elle s’appelle cette île). BR ne propose pas de choix cornéliens. On n’a pas le temps de penser ici. Il faut agir vite et bien. Seriez-vous prêt à tuer votre meilleur ami, dit le pitch, (comprenez trahir dans la vraie vie) pour gagner ? Certains choisissent la solution de facilité, donc le suicide dans BR. T’aurais fait quoi, toi ? Question. Évidement c’est plus facile à dire quand on est confortablement assis dans son fauteuil comme moi, mais que voulez-vous ? C’est la vie.
BR c’est le rite de passage violent de l’enfance à l’âge adulte. Un passage en force sans chichis. Il n’y a pas que l’enfance qui soit un naufrage. BR c’est un jeu où il faut savoir se faire des alliés pour mieux pouvoir les trahir par la suite. Pas le choix. « C’est comme ça » comme disent les vieux, les adultes, ceux qui ont depuis longtemps baissés les bras et acceptés les règles, les vieux. Je ne sais que répondre à la question que nous pose Kinji Fukasaku du haut de ses 70 ans. Je pensais que le gars qui a tourné ça avait 22 ans tellement ça respire la jeunesse. Non. C’est un « vieux » sage. Et s’il doit rester un film à l’aune des années 2000 il se peut que se soit BR. Il doit être de ceux-là BR. Prémonitoire BR. La mort en direct, dans peu de temps Internet nous la « vendra » pour pas cher, à la demande. Prophétique sans donner de leçons, seulement montrer les choses. Divertissant, un montage dynamique, l’humour noir, et c’est jouissif. On apprend pas mal dans BR. On comprend qu’il y a bien plus dangereux qu’une arme de poing, par exemple.
La peur est la plus dangereuse des armes, la PEUR elle fait faire n’importe quoi, dixit la scène du quiproquo dans le phare en plein milieu du film qui finit en carnage. Arghh ! Dans ce parcours semé d’embûches malheur aux timides, aux rêveurs, aux solitaires, (quoique), aux mous du cerveau, ou à tous ceux qui n’étaient pas bons en sport. LOL. Dans BR il faudra courir vite pour sauver sa peau et ce qu’il en reste. BR sonne la fin de la récréation, (l’enfance), et annonce le début de la compétition, (la vie). Cela donnera l’occasion à certains de se rappeler des brimades reçues au lycée. Les souffre-douleurs, les têtes à claques, BR sera l’occasion du réveil de certaines inimitiés. Le moment est venu pour se venger, et faire tomber les masques, d’où cette réplique très pragmatique :
«Je mes suis servie de toi, qu’est-ce que tu crois ? Mon but c’est de gagner. Je ferai tout pour retourner chez moi»
«On ne faisait pas partie de la même bande au bahut c’est clair, c’est le moment de régler nos comptes.» Les timides, les peureux, les tendres, dans la ‘vraie’ vie on les appelle losers, c’est pas pour rien.

BR ou relecture du Capital de Karl Marx, sans blague aucune. Je dis relecture, mais c’est une vraie correction. On voit le lumpenprolétariat qui se déchire dans une rat race à mort, sans comprendre que son vrai ennemi c’est celui qui lui a mis la laisse autour du cou, l’intelligentsia. Boum ! BR métaphore sublime du Monde tel qu’il est. Rat race. Et par moments le chef de secteur ou prof principal Kitano donne des encouragements par mégaphone interposé :
« Du nerf ! Vous faiblissez. Plus de chiffre ! Plus de chiffre ! Vous n’avez que plus que deux jours. Je vous donne les morts du jour. Fille numéro tant, garçon numéro tant…» Un vrai petit fonctionnaire zélé, ce Kitano. BR c’est une horreur. J’adore.
Mais quelqu’un à l’air d’y croire encore. Shûya, qui traverse tout le film avec la naïveté d’un petit garçon Candide. Il ne veut pas passer à l’âge adulte. On se demande comment il fait pour s’en sortir à chaque fois. Il ne tue personne (no spoiler), protège Noriko, (aussi naïve que lui est idéaliste), et essaie de raisonner tous ceux qu’il rencontre :
« On ne peut pas s’entretuer comme ça. » Heureusement qu’il est là, Shûya. On traiterait Fukasaku de psychopathe ou de malade sinon. Il faut être malade pour pondre un film pareil, non ? Non. Il arrive à nous faire rire du jeu de la Mort. Il est très fort au contraire. J’adore l’humour de Fukasaku.
Shûya est celui qui redonne confiance dans le genre humain, mais pour combien de temps ? Shûya est-il un idiot, une innocente victime, ou très malin au jeu? Á vous de voir. Et un flash-back ou deux nous montre la vie avant la loi BR; c’était déjà la guerre. Son père est au chômage de longue durée, Shûya. Sa mère est partie. Son avenir à lui, incertain. La vie avant la loi BR ? Une jungle. Malgré les sourires, les socquettes blanches, les graffiti dans les toilettes, les répliques très simples, très ados en apparence. Le père de Shûya était déjà une victime collatérale du jeu, avant même que le film en commence. Sorti en 1999 le film conclut le siècle sur un morceau de bravoure. Dedans il y a aussi quelques surprises comme seul le cinéma peut en faire pour nous surprendre, toujours, mais chut. C’est le film préféré de Quentin Tarentino. Quentin est bon public il aime tout mais bon, pour une fois je le suis. Bravo Quentin.
Fin du suspense et fin du jeu. Et le gagnant est :
Une fille ? D’où elle sort celle-là ? Et comment elle a fait pour gagner d’abord ?


PS : Battle Royale 2, n’y allez pas! C’est une grosse bouse de vache. Une merde.
Et je ne peut m’empêcher de parler du remix raté à l’américaine, le mal nommé Hunger Games, encore plus médiocre, (les américains me font peur des fois). BR c’est trop nippon, trop barré, trop kawaii repenti, trop inadaptable. Autant regarder la version originale même sous-titré. En français c’est bien aussi. C’est pas dur à comprendre la vie.

Angie_Eklespri
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le 29 juin 2021

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Angie_Eklespri

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