Batalla en el cielo (Bataille dans le ciel) par Aurien Kea
Tragédie mexicaine aux accents tarkovskiens -mais avec la crudité réaliste clarkienne, l’errance filmique antonionienne, le lyrisme subtil karwaïen, le symbolisme discret kimien et l’imprévisibilité cathartique tsaïenne-, le film de l’artiste Reygadas nous fait vivre une tension palpable entre présence et absence, chute et élévation, destin et liberté… Cette “bataille” jaillit en image à partir d’un travail exceptionnel sur les sons et par le point de vue errant de la spectralité des plans : la violence pornographique des désirs et la violence érotique des peurs se trouvent hantées par l’absence (ce mort endeuillant les choix), mais cette hantise paraît à son tour détruite par l’interférence des atmosphères sensorielles… La scène de fellation bouclant (introït-extroït) le film est à la fois sublime dans son cadrage et originale dans son processus identificatoire; la scène de baise d’obèses se fait sublime dans sa composition et géniale dans son processus projectif; la scène où Ana -d’un érotisme irradiant- se donne à Marcos -antihéros époustouflant- bouleverse tant qu’elle semble en éjecter la camera… Mais ces scènes ne donne tant d’émotion que parce que la cohérence du montage augmente les sursauts et rythme le souffle. Chaque scène est nécessaire car à chaque fois la présence se trouve tiraillée d’une manière autre, oscillant entre pragmatique et mystique. La sidération des sens ne saurait toutefois être si intense sans l’orchestration musicale, proche de la perfection. Cette profusion pourtant ne donne naissance qu’à une épure cinématographique, comme pour mieux nous saisir, au plus proche de nos frissons.