Connue pour ses titres, tel que « L’aigle noir » ou encore « Du bout des lèvres », la chanteuse Barbara a marqué la chanson française des années 1960. Soixante ans plus tard elle devient l’objet du film éponyme du réalisateur et acteur Mathieu Amalric. Grâce à des effets kaléidoscopiques, il entraine le spectateur à la rencontre de deux femmes artistes : une chanteuse, une actrice.

Mathieu Amalric ne se laisse pas avoir, comme d’autres, par la narration d’une vie, il se rapproche le plus du réel, voulant revivre ces années où Barbara resplendissait auprès de la foule. Pour ne citer qu’un film, Elvis (de Baz Luhrmann sorti en 2022) se laisse prendre par le récit classique et répétitif de la célébrité. Le spectateur voit sa star naître, à son apogée, puis mourir, tuée par la drogue. Au contraire, Mathieu Amalric, lui, retranscrit l’amour porté à cette chanteuse et la présente comme une femme inatteignable. C’est Jeanne Balibar (actrice, réalisatrice mais aussi chanteuse), dont rôle lui colle à la peau, qui la représente. Elle joue Brigitte, une actrice qui interprète Barbara dans le film de Yves Zoland (joué par Mathieu Amalric). Dans ce film imbriqué, la chanteuse a déjà une carrière lancée et le réalisateur montre l’artiste en répétition, sur scène, en tournée… La reconstitution historique passe donc par des recherches de la part de Brigitte pour perfectionner son rôle mais aussi par des scènes de tournage, quand le film de Yves Zoland et en cours de réalisation. Mathieu Amalric dresse une mise en abyme tout en gardant sa trame initiale : Barbara. Il construit un récit autour de l’actrice qui devient son seul désir (ou celui de Yves Zoland), et se met en scène en train de tomber amoureux de Brigitte. Le spectateur ne distingue plus de qui ce film fait l’éloge : celui d’une chanteuse ou d’une actrice.

Mathieu Amalric joue la subtilité en déconstruisant la stratégie de la mise en scène classique des reconstitutions historiques. Le film est à la fois tourné en numérique et en pellicule et le réalisateur y ajoute des images d’archive ; les plans doivent être agencés avec précision pour que le film soit fluide et perde le spectateur dans l’univers de la chanteuse. La caméra en mouvement, elle, permet de cacher les difficultés de reproduction physique et de semer le trouble dans les esprits. Il reconstruit une mise en scène originale lui permettant de mener le spectateur à la confusion entre la réalité et la fiction. C’est là que le talent de Jeanne Balibar ressort, à la fois actrice et chanteuse, elle nous montre ses multiples facettes : elle chante, joue du piano, incarne deux rôles (Brigitte et Barbara) et change de masque en un rien de temps. Son magnifique jeu donne lieu à une perte de repère totale : plus aucune distinction n’est possible, Jeanne Balibar devient Barbara et Barbara Balibar.  


Hyaelle
9
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le 31 mars 2024

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