Une série B transcendée par une mise en scène intelligente

Un script plutôt convenu, le Duke comme figure de proue de cette dantesque aventure enneigée dans les territoires sauvages du grand Nord, une horde de loups affamés prêts à dévorer les survivants d’un malencontreux crash aérien,… Aventure Dans Le Grand Nord, la traduction française de Island in the Sky, ce qui en matière de trompe l’œil, se trouve là… Et bien, oublions tout ça ! Il y a l’un des plus grands réalisateur du cinéma classique hollywoodien derrière la caméra, et il est absolument évident que d’un script de simple série B, il va faire quelque chose de bien plus intéressant.


Au lieu de montrer les exploits de John Wayne tentant de sauver ses hommes d’un implacable destin, il le filme fragile et pensif et le met sur un pied d’égalité avec ses camarades d’infortune. Chez Wellman, c’est l’esprit de fratrie et la solidarité à l’intérieur du groupe qui prédomine. Comme dans ses western, ses films de guerre, de gangsters ou sur la grande dépression, l’individu n’est jamais la plaque tournante qui conditionne le groupe, c’est l’union des êtres qui génère les actions. En cela, son cinéma se rapproche de celui d’un John Ford, autre grand illustrateur de l’histoire américaine.


En cinéaste baroudeur, il s’est engagé dans la légion étrangère pendant la première guerre mondiale, et a été pilote d’avion dans l’escadrille Lafayette par la suite, son cinéma est traversé de moments intenses qui transgressent les ressentis des hommes face au danger, et en fait des êtres fragiles dont l’unique bouée de sauvetage face à l’implacabilité, ici la nature sauvage, réside dans l’entraide et la solidarité.


Nulle violence gratuite, grande sobriété de la mise en scène, point d’esbroufe, le cinéma de Wellman turbine à l’économie de moyens. Il faut avoir vu Story Of GI Joe, son chef d’œuvre à mes yeux, qui malgré son titre ronflant, est une sorte de mètre-étalon du film de guerre métaphysique, refusant les notions d’héroïsme et de patriotisme béat face à l’horreur des combats.


Sous ses aspects de série B minimaliste qui s’assume absolument en tant que telle, le script mettant en évidence certaines limites, Wellman parvient à transgresser la fragile frontière entre simple sérial et cinéma qui réfléchit, en filmant des visages usés par la fatigue, et la grande carcasse d’un Duke fataliste, perdue dans l’immensité de ce territoire hostile.

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le 4 avr. 2020

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