Une année avant le médiocre Le petit César et l’excellent L’ennemi Public, deux années avant le classique Scarface de Hawks, Mayo sort The Doorway to Hell, premier véritable film de gangster pré-code produit par la Warner. Il servira sans aucun doute de modèle pour ce qui suivra.
Malgré le manque de vraisemblance de certaines situations comme, entre autres, la relation adultère pas entièrement démasquée par l’intransigeant et cruel Louie (ou qu’il se force à ne pas voir), la réunion improvisée entre tous les distributeurs de bières sous l’égide d’un encore peu crédible jeune homme au visage poupon qui s’autoproclame tout de même le boss du game, l’absence de preuves d’autorité de Louie une fois érigé en « Napoléon de la pègre » pour garder le calme entre les concurrents, The Doorway to Hell jouit par ailleurs d’arguments l’établissant à nos yeux comme un classique du genre. En effet, grâce à une mise en scène digne d’être nommée, à l’inverse du Petit César, il signe des scènes marquantes d’une belle facture : la bagarre générale filmée en plan large, le premier règlement de compte annoncé par les cartes de la voyante, la mort du gamin sous les roues du véhicule, l’échappée de prison, les deux scènes entre Louie et le flic O'Grady qui par un effet de circularité ouvrent et closent le film, sans oublier les dialogues souvent très bons, drôles mais d’une « sombre ironie », en partie signés par l’incontournable quoiqu’encore inconnu James Cagney, dont l’argot de la pègre est une vraie fleur du béton – p.e. : le jeu de mots sur « clouds ». Par ailleurs, le scénario tient bien la route, bien qu’il ne suive pas la traditionnelle construction grandeur/décadence, et retransmet bien le climat d’alors en nous rapportant fidèlement les réalités du monde naissant de la pègre.
Derrière le message moralisateur que se doit de passer la Warner à travers le cinéaste, laissant bien clair qu’on ne sort jamais du crime organisé, « cruel et sans profit » comme la guerre, comme le sentence Le Major, figure de l’ordre, ou O’Grady qui a de la peine pour le jeune gamin de la rue « babyface » Louie, un certain nihilisme s’immisce déjà dans l’ambiance du film – dans une moindre mesure que L’ennemi Public, certes, mais déjà très pertinente, dans un moment grave de l’Histoire, post-krash boursier, où la misère et le désespoir abondent. Les mitraillettes y sont généreuses, l’esprit de lucre gangrène les hommes, la méfiance est de mise, l’espoir est maigre, car la mort rôde à chaque coin de rue. Le film noir n’est pas loin.
À voir absolument, pour les amateurs de films du genre.
7,5/10