La nouvelle ère des mockbusters

Personne ne va regarder Atlantic Rim Resurrection en s'attendant à un bon film : on sait tous très bien pourquoi on le voit, dans un cadre prédéfini, avec une idée très précise de comment on va en rire, et tenter de ne pas trop pleurer sur toutes les erreurs techniques qu'il peut présenter. Et tout comme son prédécesseur, il est loin, très loin de ce qu'on pouvait en attendre.

Ce deuxième rip-off de Pacific Rim, sorti deux ans après Pacific Rim : Uprising, balance fort dès le début en multipliant les débilités sans aucun sens, les scènes de dialogue sans intérêt, et laisse pointer l'évolution de la manière de faire des mockbusters : s'ils profitaient seulement, auparavant, du nom des films qu'ils copiaient pour vendre (ou de la typographie de leur affiche), ils sont désormais partis dans une direction plus tournée vers l'action décomplexée qui fera forcément rire par son ridicule plus ou moins involontaire.

C'est en même temps ce qu'attend le public, et de fait ce qui fait vendre depuis le succès phénoménal du premier Sharknado : les fans de ces pseudos nanars veulent des films idiots, mal construits, mal fichus, des versions alternatives aux films qu'ils apprécient, parfois plus simples à voir, puisqu'éminemment plus stupide et primaire (ce n'est en soit pas le cas pour Uprising, qui ne vaut pas grand chose non plus).

Dans cette logique, Atlantic Rim Resurrection remplit mieux son contrat que nombre de blockbusters ultra rentables et ludiques : tout ce qu'on voulait voir, on l'a puissance dix, avec une générosité folle et une absence de retenue proprement désarçonnante. Les blagues lourdes, les personnages fonctions autant utilisés pour faire avancer le scénario que pour rechercher tout du long la meilleure punchline à sortir (à n'importe quel moment, cela va de soi), les reflets de caméra dans les vitres de voiture, l'équipe technique prise en flag sur la portière d'une voiture sont autant de raisons de regarder cette Resurrection fascinante que le fait de se dire qu'à voir le résultat désastreux, ils l'auront très surement tourné en à peine plus d'une semaine.

C'est qu'on en apprend beaucoup en le regardant : non pas parce que c'est le cas d'école de tout ce qui ne faut pas faire dans un film (il l'est tout de même), mais bien parce qu'il ne s'essouffle jamais, et inscrit de la pire des façons (mais d'un côté la meilleure aussi) le sous-genre des mockbusters dans une nouvelle ère plus outrancière, toujours plus bordélique et surréaliste, en gardant toutefois son sérieux pour ne pas tomber dans les écarts comiques des Sharknado, de toute évidence plus humoristiques que véritablement mauvais.

C'est un nanar, un vrai, et en tant que produit d'exploitation à date de péremption limitée, il se défend face à sa concurrence, finalement de plus en plus rare : ses acteurs catastrophiques, sa réalisation hasardeuse et tremblante, son cadrage incapable d'inclure tous ses acteurs (à partir de trois à l'écran, le cadreur se perd en tentant n'importe quoi) et son écriture forcément stéréotypée, amas des pires clichés de films d'invasion américains, le propulsent dans la stratosphère de ce cinéma méprisé (qui d'une certaine façon est aussi très méprisant envers son public, suivant les films) à l'origine de grands moments de rire rarement feints, et d'une certaine empathie dirigée à tous les participants de cette drôle d'oeuvre, sorte de décharge de tous ceux qui ont le moins de talent dans le milieu, qui pourrait rapidement virer au podium du plus mauvais si suite il doit y avoir.

Et je serai même prêt à supporter un nouveau Pacific Rim pour flatter mes yeux d'un dernier Atlantic Rim. Pour le premier film de la décennie, c'était fort.