Il s'agit d'un travail d'analyse sur le terrain, rendu pour le cours de Cinéma Québécois, pour Mme. Ravary-Pilon, à l'Université de Montréal. L'idée était d'analyser l'importance d'une séance de cinéma pour la culture québécoise. La critique se base donc plus sur l'importance de la séance que le film en lui-même.


Du 6 au 17 octobre 2021 a eu lieu la 50ième édition du Festival du Nouveau Cinéma de Montréal. Entre avant-premières et restaurations, le festival a su proposer une programmation suffisamment variée. Parmi les différentes catégories, un hommage au début du cinéma autochtone a été organisé, avec la projection d’une version du film Atanarjuat, la légende de l’homme rapide, premier film inuit, réalisé par Zacharias Kunuk en 2001.
[...]


La projection a eu lieu le 13 octobre à la Cinémathèque Québécoise, salle mise à disposition durant le festival. La séance a été présentée par l’un des directeurs de la Cinémathèque qui, pour l’occasion, a eu le plaisir d’inviter Lucy Tulugarjuk, actrice jouant le rôle de Puja dans le film de Zacharias Kunuk [...]. L’actrice est venue présenter l’importance de ce film pour sa communauté, résident à Igloolik. Cette dernière parla en inuktitut, et traduisit par la suite sa pensée en anglais durant la présentation. Pour elle, l’importance de ces films se démarque par l’introspection que chacun des acteurs ont pu ressentir vis-à-vis d’eux-mêmes, de leur personnage dans le film ainsi que de leur culture inuite.
Après coup, une vidéo du réalisateur Zacharias Kunuk fût diffusé. Comme de nombreux invités du festival, le réalisateur d’Atanarjuat n’a pu se rendre à Montréal, mais a tout de même laissé une vidéo filmée grâce à sa webcam [...].
Parlant en inuktitut ainsi qu’en anglais, le réalisateur inuit a parlé de l’importance de ce film, d’une durée de 2h40, premier film entièrement en inuktitut, réalisé avec l’aide de l’historien britannique Norman Cohn à la photographie. Le film a reçu de nombreux prix, et a démontré l’importance et la richesse de la culture inuite. Le film vient raconter la rivalité entre la famille d’Atanarjuat et d’Oki, ennemis jurés. L’entièreté du film est tournée dans les alentours d’Igloolik. Le générique de fin du film vient montrer des séquences de making-of, dont une scène iconique où le personnage d’Atanarjuat court nue sur la banquise, poursuivit par Oki et sa bande. Les images viennent montrer la mise en place de travellings sur des traineaux, montrant ainsi les efforts émis pour réaliser le projet.


La suite du texte vient comparer le film de Zacharias Kunuk à son dernier court-métrage, Angakusajaujuq : l’apprentie chamane, afin de déceler quelques éléments importants de la culture inuite. J'ai préféré enlever les éléments traitant de ce dernier court-métrage, car il s'agit d'une critique pour le film Atanarjuat.


[...] Le Kudlik est une lampe inuite mainte fois représentée. Il s’agit d’une source lumineuse faite à partir d’huile, de coton de l’arctique et de mousse, versé dans une pierre à savon. Sous forme de mèche, le feu y est gardé par une femme inuite, s’occupant de l’entretenir à l’aide d’un hameçon appelé Taqquti. Un point qu’il me semblait important d’analyser pour la contribution de ces films pour la culture québécoise, cette dernière ayant souvent été mise en contradiction avec les cultures autochtones au cours de l’histoire. Ces films ont pour mission de représenter le peuple inuit aux yeux des spectateurs du monde entier. Leur diffusion au Festival du Nouveau Cinéma montre la volonté de perpétuer cette réconciliation récente, de mettre de côté les nombreux écarts du gouvernement canadien à l’encontre des premières nations. Des films comme Beans de Tracey Deer ou Kanehsatake, 270 ans de résistance de Alanis Obomsawin viennent démontrer les traitements racistes qu’a enduré le peuple Mohawk au Québec. Pendant de longues décennies, la politique gouvernementale fût d’éradiquer toute culture autochtone de la société canadienne.
[...] Atanarjuat est considéré comme le premier produit culturel cinématographique entièrement inuit, ayant ainsi démarré une longue vague de cinéastes autochtones au Canada. Avec ce cinéma, la culture inuite est à nouveau mise en avant, se battant pour être vu et comprise par le grand public. C’est une réponse à des siècles d’oppressions. Le cinéma autochtone prouve ainsi que son oppresseur n’aura réussi à détruire leurs cultures et leurs traditions. En montrant le rituel du Kudlik, Zacharias Kunuk vient revendiquer son appartenance. En filmant dans le grand nord, utilisant sa langue natale, le réalisateur inuit prouve que le cinéma est universel et que le peuple inuit peut en faire partie. Le cinéma devient un outil de revendication. Lorsque Lucy Tulugarjuk est venue présenter le film, ses derniers mots sont venus représenter le combat de son peuple, afin de continuer à vivre, de revendiquer leur existence aux yeux du monde, et de combattre leur oppression. Des mots qui furent brefs, mais qui, par leur simple présence, viennent démontrer que le combat se fait encore actuellement. Ces films sont une forme de porte-parole pour les peuples inuits et des premières nations en général, revendiquant leur place dans le monde.
L’aide de l’Office National du Film du Canada dans ces projets renforce cette idée d’une envie, d’un besoin de réconciliation. Atanarjuat fût en partie produit par l’ONF, mais aussi par Isuma Igloolik Productions, studio monté par l’équipe du film à Igloolik. La restauration, cette diffusion, ainsi que l’intérêt du public venu pendant le festival voire le film prouve une fois de plus cet intérêt renouvelé envers la cause autochtone, d’où l’importance de cette séance pour la culture québécoise. La diffusion du film est quasi politique, comme le renforcement de l’acceptation des peuples autochtones au Québec.


Atanarjuat est un long-métrage dont je connaissais l’existence depuis quelques temps déjà, grâce à la plateforme franco-allemande Arte. Sa diffusion durant le FNC fût l’occasion pour moi d’enfin découvrir le film. Le dépaysement que peut offrir le métrage pour des personnes comme moi, extérieur à la culture inuite, fût en soi un point important quant à mon appréciation de l’œuvre. Découvrir une manière différente de raconter une histoire. Durant les 2h45 de film, les personnages d’Atanarjuat et d'Amaqjuaq, son frère, sont présentés au sein même de leur communauté, de leur culture. La trame narrative de vengeance met du temps à se mettre en place, mais la découverte des traditions inuites nous laisse attentif. Les paysages filmés sont d’une beauté saisissante et les personnages vivants dans ce désert polaire sont tous très attachants. Entendre la langue inuite ancre le film dans un réalisme certain, surtout lorsque l’on sait que certains acteurs sont analphabètes, et n’ont fait qu’apprendre les textes par cœur à l’orale, devenant ainsi les personnages qu’ils interprétaient.


L’organisation de cette séance fût particulièrement réfléchie. Entre la projection des deux films, la présentation par la Cinémathèque Québécoise, la présence de l’actrice Lucy Tulugarjuk ainsi que les vidéos de Zacharias Kunuk, cela a permis de donner un plu valu à cet évènement important au sein du Festival du Nouveau Cinéma et de la ville de Montréal. Il nous a été mentionné avant la séance que l’absence du réalisateur était surement dû à la période de chasse actuel à Igloolik. Selon moi, cette information est capitale. Il s’agit d’une démarcation entre le peuple québécois et le peuple inuit, non pour les confronter, mais pour les rassembler dans leurs différences. Les deux cultures doivent pouvoir cohabiter, comme pour les Mohawk et les autres cultures autochtones. [...] La projection d’Atanarjuat est [...] un bel exemple de solidarité, et semble capitale pour la culture québécoise.



Annexes :



Dudemaine, André, Marcoux, Gabrielle et St-Amand, Isabelle. 2020. « Cinémas et médias autochtones dans les Amériques : récits, communautés et souverainetés ». Revues Canadienne d’études cinématographiques. Vol 29, n°1.



  1. « Le cinéma autochtone à l'ONF : un aperçu ». ONF. Montréal.


« Protocoles, symboles et cérémonies ». Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.


12 octobre 2021. « Projection spéciale d’Atanarjuat ». L’initiative.


17 septembre 2021. « Ce week-end, découvrez le Cinéma Autochtone en Stop Motion ». CTVM.

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le 12 nov. 2021

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